Si la musique de Robert-Nicolas-Charles Bochsa (1789-1856), notamment son œuvre pour harpe, est encore très appréciée aussi bien au concert qu’au disque, le personnage est loin de faire l’unanimité. Qu’on en juge : il fut à la fois faussaire, escroc… et bigame au point d’être contraint de finir ses jours aux antipodes…
Fils d’un hautboïste d’origine tchèque (1), probablement engagé au sein d’une harmonie militaire, Bochsa naquit à Montmédy (Meuse) le 9 août 1789. Il fut un musicien très précoce car, installé à Lyon, à peine âgé de 16 ans, il composa l’opéra « Trajan » en l’honneur de la visite de Napoléon dans la capitale des Gaules.
Il entre en 1806 au Conservatoire de Paris où il étudie avec les meilleurs professeurs du moment : Catel, Naderman et Méhul. Doué pour tous les instruments, il montre cependant une préférence particulière pour la harpe pour laquelle il écrit de très belles pièces. Bochsa épouse en 1812 Georgette du Crest, fille du marquis du Crest et nièce de madame de Genlis.
Sa prometteuse carrière est cependant interrompue par une condamnation à douze ans de travaux forcés et 4 000 francs d’amende pour faux et vol. Victime de son goût du luxe et des femmes légères, il fut accusé d’avoir très habilement contrefait la signature de plusieurs personnes célèbres (dont des confères compositeurs et même le duc de Wellington !) sur des bons au porteur. Le jugement est rendu par la cour d’assises de la Seine le 17 février 1818 en l’absence de Bochsa qui venait fort à propos de quitter la France pour l’Angleterre en abandonnant femme et enfants.
On est étonné de constater avec quelle facilité notre compositeur réussit à se refaire une virginité outre-Manche et comment il accède aux postes les plus enviés (directeur de la musique du théâtre du roi, de l’Opéra-Italien et du Conservatoire Royal de musique). A la fois harpiste, compositeur, professeur, chef d’orchestre, éditeur, directeur de théâtre et producteur, ses multiples talents sont reconnus par la bonne société. Aidé par un sens inné de la manipulation, beau parleur, il est cependant poursuivi par ses vieux démons et on le soupçonne rapidement d’escroqueries en tous genres et de familiarités avec les épouses de ses collaborateurs. Une nouvelle fois il doit fuir, cette fois à la suite d’accusations de bigamie : il a en effet épousé en Angleterre Amy Wilson sans avoir divorcé de sa première épouse…
C’est cependant avec la femme du compositeur Henry Rowley Bishop (1786-1855), la cantatrice Anna, qui entreprend une tournée qui le conduit à travers toute l’Europe puis les Etats-Unis. Les pérégrinations des deux amants cesseront brusquement en Australie en janvier 1856 où le compositeur avait trouvé refuge, loin, très loin des justices françaises et anglaises. Anna Bishop fit édifier un tombeau au Camperdown Cemetary de Sydney avec cette dédicace : « This monument is erected in sincere devotedness by his faithfull friend & pupil Anna Bishop » (Ce monument est érigé en sincère dévotion par son amie (sic) et son élève fidèle Anna Bishop).
En guise de conclusion, laissons la parole à un chroniqueur de la « Revue et Gazette musicale » de 1842 :
« On ferait plus d’un volume des folies, des aventures romanesques, de la vie si agitée de ce harpiste célèbre. Ses mémoires seraient chose fort curieuse […]. De quelle aventure galante, mystérieuse, fantastique, ce harpiste, qui fut un des plus beaux hommes de France et de Navarre sous la Restauration, ne fut-il pas le héros ? »
(1) La diaspora des compositeurs originaires de Bohême à travers l’Europe à la recherche de postes pour exercer leur talent est bien connue. Nous savons qu’ils furent fort nombreux en Lorraine. L’histoire de leur implantation dans notre région reste cependant à écrire.
Michel Faul a consacré une biographie au musicien : « Nicolas-Charles Bochsa : harpiste, compositeur, escroc » (Delatour, 2003)
Pascal L.
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Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Bochsa, deux petits livres ici http://bochsa.voila.net et http://bochsa2.voila.net et sur facebook, tapez « bochsa society »