Si définir la science-fiction est une tâche quasi-impossible, il y a presque autant de définitions que d’auteurs et de lecteurs, cerner ses origines semble tout aussi difficile.
D’une certaine manière les deux problématiques sont liées. Il est plus facile de discerner l’apparition d’un genre littéraire quand ce dernier peut être défini avec précision.
Dès lors que les contours sont flous, il n’est pas aisé d’en identifier les œuvres fondatrices.
Si l’on peut trouver quelques granules remontant à l’Antiquité avec Lucien de Samosate et au début du XVIIe siècle avec Cyrano de Bergerac, et bien d’autres selon les pays et les époques, la période de l’éclosion de la SF semble bien être le XIXe siècle. D’une part, le progrès de l’instruction et de l’imprimerie industrielle ont contribué à faire du roman un genre littéraire extrêmement répandu dans le monde occidental, touchant un large public. D’autre part, c’est l’époque du triomphe de la Science dont les applications techniques transforment la vie quotidienne de tout un chacun.
La science peut donc devenir un thème de roman, voire donner naissance à un genre à part entière.
D’accord, pour l’époque mais qui sont les pères fondateurs ? Sous nos cieux, voici un barbu et un moustachu qui avancent : Jules Verne et H. G. Wells. Mais passons un Océan, l’Atlantique en l’occurrence, et le duo devient trio. E. A Poe fait partie aux yeux des Américains de la sainte trinité fondatrice de la SF. Le premier numéro de la première revue de Science-fiction parue aux Etats-Unis en 1926, Amazing stories, se place d’ailleurs sous leur tutelle en publiant des textes de ces trois auteurs.
Repartons vers l’Est et franchissons un fleuve, le Rhin. Pour nos voisins allemands , il est indiscutable que E.T.A. Hoffman est avec Verne et Wells l’un des trois initiateurs du genre.
Poe et Hoffmann ont pour eux l’antériorité chronologique mais leurs œuvres ressortissent généralement plus du Fantastique que de la Science-fiction telle que le grand public la conçoit généralement.
Pourtant, en 1818, un autre auteur, une femme, écrit l’histoire d’un savant dépassé par la créature qu’il a fait naître de toutes pièces, si j’ose dire puisqu’il s’agit de débris humains.
Eh oui, Mary Shelley avec son Frankenstein est la première romancière à avoir rencontré un large succès public avec un thème de SF, même s’il a été assimilé à un roman gothique, lors de sa parution. Le malentendu a d’ailleurs été entretenu par les adaptations cinématographiques du siècle suivant. Ce n’est en rien un récit fantastique, ni d’épouvante.
Certes trois ans plus tôt, Hoffmann avait fait d’un automate le centre d’un récit, dans L’homme au sable. Mais cette technologie existait déjà à l’époque, même si elle n’était pas portée au degré d’excellence qui donne l’apparence de la vie à Olympia. Alors que la création d’un être humain par un scientifique reste encore aujourd’hui du domaine de l’imaginaire. Voilà donc pourquoi Mary Shelley peut être considérée comme le premier auteur d’envergure de SF. Elle a d’ailleurs écrit un autre ouvrage dans cette veine The last man en 1825.
Le flambeau qu’elle aura allumé sera repris par d’autres qui contribueront à rendre ce genre littéraire plus visible, mais ce n’est pas pour autant que Mary Shelley doive rester dans l’ombre de ses illustres successeurs.
Si vous vous intéressez à la SF, ne manquez pas d’aller visiter à l’ESAL l’exposition qui lui est consacrée et replongez-vous dans la décennie qui vit se dérouler à Metz le premier festival international en France, à Metz, en portant vos pas au FRAC Lorraine voir « Si ce monde vous déplaît… » jusqu’au 9 février 2014.
Dominique Ribeyre
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21 novembre 2013 à 13 h 42 min ·
J’aurais pensé aussi au Micromégas de Voltaire… Si c’est pas de la science-fiction, ça y ressemble 🙂
21 novembre 2013 à 17 h 55 min ·
Certes, et j’aurai pu citer aussi « L’an 2440, rêve s’il en fut jamais » de Louis-Sébastien Mercier (1771), et bien d’autres oeuvres qui constitueraient un véritable chapelet de granules. Ce qui pourrait faire le sujet d’un autre article. Le but n’était pas d’être exhaustif mais de remettre en cause quelques clichés sur les origines de la SF au XIXe siècle.