L’image, notamment numérique, est reine. À tel point que certains disent que la civilisation de l’écrit est en train de céder le pas à celle de l’image. C’est oublier que le phénomène n’est pas nouveau.
Sans remonter aux fresques de la grotte Chauvet ou de Lascaux, les images jouaient déjà un rôle important dans la constitution d’une culture collective et populaire, il n’y a même pas deux siècles. En effet, au cours du XIXe siècle, toute une industrie de l’imagerie papier florissait. Prenant ses racines dans la littérature de colportage, elle connut un formidable essor, grâce à la Révolution industrielle et envahit tous les foyers.
Ces images diffusaient des thèmes religieux et moraux, historiques et didactiques, des contes et des légendes populaires, ainsi que des sujets de divertissement auprès de la population des villes et des campagnes. En fonction de la qualité de l’impression, ces images pouvaient se retrouver dans les auberges, dans les demeures paysannes, dans les maisons bourgeoises, qu’il s’agisse du salon ou des chambres sous les combles. Objets de décoration, de récréation ou de dévotion, elles étaient très familières à tous les échelons de la société.
Ce type d’image est couramment appelé image d’Epinal. Mais ce que l’on ignore souvent, c’est que cette ville n’était qu’un lieu de fabrication parmi d’autres. À Metz, de 1835 à 1892, une entreprise d’imagerie située place Saint-Louis, et successivement dirigée par Dembour, Gangel, Didion puis enfin par Delhalt produisit près de 3000 images différentes, représentant au total plusieurs centaines de milliers d’exemplaires.
Ces Images de Metz, dont la production surpassait numériquement et de loin celle d‘Épinal, connurent un énorme succès non seulement en Moselle, mais aussi dans toute la France ainsi qu’à l’étranger, jusqu’aux Amériques.
L’une des raisons de ce succès était le coût modique de ces gravures, en l’occurrence un sou, qui les mettait à la portée de toutes les bourses, d’où leur surnom d’images d’un sou. Pour cette modique somme, l’on pouvait s’offrir un cornet de marrons chauds.
L’autre raison était le soin apporté à la confection de ces images. De simples gravures sur bois rachetées au début de la constitution de la société, on passa bientôt aux techniques de la lithographie puis, plus tard, de la typographie permettant de produire en masse des reproductions agréables à l’œil. Certaines d’entre elles étaient même rehaussées à la peinture dorée.
Enfin, une politique commerciale avisée correspondant aux intérêts du public potentiel, lui présentait toutes sortes de sujets divers, mais toujours populaires.
L’intégration de Metz à l’Empire allemand, consécutive à la guerre de 1870, priva les imagiers messins des débouchés français et entama le déclin de cette activité.
Une partie de ces Images a franchi les vicissitudes du temps et se trouvent aujourd’hui conservées dans les fonds patrimoniaux des Bibliothèques-Médiathèques de Metz, aux archives départementales de la Moselle, aux archives municipales de Metz.
Paul Verlaine leur a consacré un poème Images d’un sou, dans son recueil Jadis et naguère paru en 1884, en se remémorant ses souvenirs d’enfance. C’est ce regard, moins sensible aux volontés moralisatrices des éditeurs qu’au merveilleux et au divertissement, que les Bibliothèques-Médiathèques de Metz ont choisi de présenter au public dans l’exposition de cet automne : Images d’un sou : Jouer, apprendre et chanter (1830-1960).
À travers une sélection de plus de 70 Images de Metz à admirer, à la Médiathèque Verlaine du 13 septembre au 13 novembre 2016, en contrepoint avec d’autres documents patrimoniaux, vous découvrirez des pans entiers de la culture populaire des Messins du XIXe siècle, de ce qui les émouvait, les amusait ou les faisait rêver.
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Dominique Ribeyre
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