Cinéma : un mois de juin subversif !

Du 15 au 18 juin aura lieu la 2ème édition du Festival du Film Subversif de Metz.

Au sommaire de cet article :

• Interview de Charlotte Wensierski
Projection de « My Own Private Idaho » à la médiathèque Verlaine
Une sélection de films subversifs par les vidéothécaires des BMM

Rencontre avec Charlotte WENSIERSKI, directrice du festival :

Pouvez-vous présenter le Bloggers Cinema Club en quelques mots ?
Bloggers, ça a commencé avec mon désir en 2013 de passer d’un rôle plutôt « passif » de spectatrice de cinéma à quelqu’un qui partage et construit des choses pratiques autour de cette forme artistique. Il y a donc eu un blog éclectique et participatif, puis une asso (ciné club, émission de radio, soirées de projections, programmateur partenaire de lieux messins, ateliers d’éducation à l’image en prison, etc.) et enfin le festival.

Pourquoi avoir eu envie de créer un festival de cinéma à Metz ? Pourquoi cette thématique du « film subversif » ?
Je pense qu’en tant que cinéphile, c’est vraiment le summum de participer à un festival. Tu es dans une sorte de bulle au sein de laquelle tu peux vivre ta passion à 100%. Donc dans l’asso, nous étions plusieurs à vouloir reproduire cela à Metz, pour les Messins et les curieux plus éloignés. L’essence d’un festival c’est d’être un tremplin pour les films. Autant alors défendre les films qui en ont le plus besoin, des films qui ne nous caressent pas dans le sens du poil mais qui ont plutôt le courage de nous pousser dans nos retranchements. C’est ça l’explication du subversif.

Comment s’est passé la première édition du festival ? Des changements pour cette année ?
La première édition s’est très bien passée. Nous avons eu beaucoup de spectateurs et d’hétérogénéité dans le public d’ailleurs. Les festivaliers ont trouvé que la proposition était riche et nos invités se sont sentis chaleureusement accueillis et ont souligné la teneur professionnelle de l’événement. C’était très gratifiant. Cette année, nous ouvrons le festival dans un lieu atypique, la basilique, ce qui demande un peu de logistique supplémentaire. Sinon l’esprit est essentiellement le même, mais avec encore plus de films et surtout une nouvelle compétition documentaires.

Si vous deviez citer un seul film subversif, ce serait lequel ? Pouvez-vous nous le présenter en quelques mots ?
Je pense que la réponse à cette question peut vraiment varier selon le moment où elle m’est posée mais là par exemple j’ai envie de citer 12 Angry Men (12 hommes en colère) le drame judiciaire de Sidney Lumet qui, selon moi, fait preuve d’une virtuosité et d’un minimalisme exceptionnels pour nous mettre une claque énorme. Il fait réfléchir au fonctionnement de nos préjugés et est extrêmement politique aussi dans la façon dont il expose les failles des institutions et cadres gouvernementaux qui sont censés nous protéger.

« My Own Private Idaho », programmé par les BMM dans la partie rétrospective du festival, sera diffusé le vendredi 16 juin à 18h, à la médiathèque Verlaine.

(Entrée libre, dans la limite des places disponibles)

My own private Idaho est le troisième long métrage de Gus Van Sant (Will HuntingElephantHarvey Milk…). Dans ce film, il réussit à montrer de façon réaliste (avec des bulles de poésie) des marginaux américains et plus particulièrement la prostitution masculine. Gus Van Sant avait en projet de faire un documentaire, mais fort de la réussite de son film précédent – Drugstore Cowboy – il change d’avis et demande à 2 stars du moment de faire partie du casting. Keanu Reeves qui a eu un gros succès avec Point Break et River Phoenix véritable idole des jeunes (Stand by meMosquito coastA bout de courseIndiana Jones et la dernière croisade) acceptent de faire le film.
Ils interprètent Mike (River Phoenix) prostitué, souffrant de narcolepsie et dont la quête est de retrouver sa mère qui l’a abandonné et qui vit à Rome (il la voit en flash), et Scott (Keanu Reeves) fils de notable qui doit hériter. Ils mènent apparemment la même vie, se prostituent, volent de l’argent vivent avec d’autres squatteurs, mais si Scott a choisi de vivre au ban de la société c’est surtout par provocation et en rébellion contre son père, Mike, quant à lui, y est condamné depuis toujours. Certains voient ce film comme une relecture de Shakespeare, je pense plutôt à une tranche de vie de paumés, jeunes mais déjà abimés et surtout un reflet de l’époque, un film qui touche.

En attendant de découvrir les films du festival, les vidéothécaires du réseau des BMM vous proposent une sélection de films qui ont marqué leur époque, dans le fond ou dans la forme, des films qui, selon la définition choisie et consacrée par les organisateurs du festival : « bousculent les codes et les normes établies ».

Si vous êtes usagers des Bibliothèques-Médiathèques de Metz (inscription gratuite pour tous) vous pourrez réserver certains de ces films via le lien en fin d’avis et les récupérer dans un des 6 points du réseau.

• Le choix de Didier : Salò (Pier Paolo Pasolini, 1976) – En 1976, encore jeune cinéphile — rassurez-vous, j’ai depuis cessé d’être cinéphile — rassasié de Grande bouffe et d’Orange mécanique, abreuvé de Notre-Dame des Turcs et de Cicatrice intérieure, plus rien ne pouvait me choquer. Qu’on joue le film posthume de Pasolini dans le plus beau cinéma de Paris, La Pagode, j’y cours. Et bien, si. Un film pouvait encore me choquer. Je ne l’ai pas revu depuis, mais des images m’en sont restées, peut-être fausses. Un festin de fèces, des tortures regardées comme un spectacle de choix, ce fut une expérience dont je me souviens plus de quarante ans plus tard. Et du calme parfait du jardin japonais de La Pagode en sortant de la projection. En réfléchissant aujourd’hui à ces souvenirs, je pense que Pasolini faisait contresens sur Sade, sur le fascisme, l’un, l’autre, les deux. Mais qu’il faisait sens sur l’immontrable au cinéma. Il y a sans doute un seuil au-delà duquel la représentation n’est plus recevable par le spectateur comme représentation. Mon seuil c’est Salò.

• Le choix de Mireille : Amarcord (Federico Fellini, 1973) – Mon frère ainé avait réussi à convaincre ma mère d’aller voir un film car le titre Amarcord était en dialecte romagnol (langue de ma mère). Ils m’avaient emmené avec eux. Je ne sais pas par quel miracle, nous avons réussi à rentrer dans la salle mais nous y étions ! (En 1976 comme aujourd’hui l’entrée d’une salle de cinéma pendant le festival du film italien de Villerupt pouvait ressembler à une foire d’empoigne). Je me souviens de ce petit garçon qui sortait seul de chez lui et qui rencontrait des gens « particuliers » (la faune locale). Parmi toutes ses rencontres j’ai gardé en mémoire une scène dans laquelle « la buraliste aux gros seins » sort sa poitrine de son corsage, la met dans la bouche du jeune héros et lui ordonne de souffler pour que ses seins soient encore plus gros ! Amarcord est-il un film subversif ? Je ne pense pas, mais c’est cette scène qui me vient en tête lorsque l’on parle de film subversif, peut-être aussi parce qu’à la fin de la séance, ma mère a houspillé mon frère en lui disant : « tu aurais pu faire attention au film que nous allions voir, il y avait la petite (moi) avec nous ! »  → Réserver le film
Par la suite j’ai aussi vu Théorème de Pier Paolo Pasolini. Pour ce film celui qui en parle le mieux c’est Guy Bedos !

• Le choix de Corinne : Faux Semblants (David Cronenberg, 1989) – Parmi tous les films que j’ai trouvés dérangeants, perturbants, ceux de David Cronenberg tiennent une place particulière. Entre  Chromosome 3 sorti en 1979, film « horrifique » qui m’avait terrifiée et Crash qui fit scandale au Festival de Cannes de 1996, il y a Faux-semblants, de facture apparemment plus classique, puisque présenté comme un drame psychologique inspiré d’un fait divers : deux jumeaux gynécologues retrouvés morts dans leur appartement. Ce film a un côté tout aussi dérangeant et horrifique car Cronenberg intègre l’homme à la machine, la femme aimée par les deux hommes est une mutante et les instruments gynécologiques qu’ils ont créés ont un côté organique, monstrueux. Il mêle gémellité quasi incestueuse, folie, passion autodestructrice, dépendance affective et sexuelle. → Réserver le film

• Le choix de Nathalie : Théorème (Pier Paolo Pasolini, 1969) –  Adolescente, je suivais le cinéma de minuit avec délices. Et c’est ainsi que tard, un soir, j’ai découvert un film énigmatique, austère et sulfureux : Théorème. Je revois Terence Stamp, insolemment beau, et sur l’entrejambe duquel Pasolini ne cesse de s’attarder. Un ange à la beauté du diable qui s’invite dans la propriété d’un riche industriel et dont le mystère et la présence extrêmement virile impressionnent chaque membre de la famille, servante comprise. Tous succombent à leur désir de ce jeune homme. Les convenances, la morale, n’existent plus. Chacun ne vit plus que par lui, véritable révélateur sexuel et spirituel .
Et lorsqu’il leur apprend son départ, tous sont d’abord plongés dans le désespoir et le manque. Puis ils reprennent la main sur leur vie et décident de poursuivre leur métamorphose, leur « révolution » en achevant de briser leurs chaînes familiales, sociétales, morales.
Des images fortes me reviennent : la servante, devenu sainte, s’élève au-dessus de la ferme ; le père, débarrassé de tous les oripeaux du matérialisme, marche nu, dans le désert. La critique violente de la société, les dimensions politiques et mystiques, je les ressentais confusément mais j’avais la certitude d’avoir vu un film transgressif, provocant, fort et important. En un mot : « subversif ». → Réserver le film

• Le choix de Marianne : Dogville (Lars von Trier, 2003) – Dogville est un film sombre, âpre, aussi bien dans sa mise en scène que dans ce qu’il raconte. Aucun extérieur, très peu d’éléments de décor, un plateau presque vide comme on a plus l’habitude d’en voir au théâtre qu’au cinéma.
Étudiante à la sortie du film en mai 2003, je ne me suis pas laissée décourager par la durée du film, tout de même 3h, ni laissée impressionner par le nom de ce réalisateur que je n’identifiais pas bien.
J’ai été décontenancée par la mise en scène, happée par l’histoire et fascinée par Nicole Kidman. Elle est au centre du film. Elle en est l’héroïne mais aussi la victime, prise au piège du jeu pervers de cette ville où elle a tenté de se réfugier.
Il m’a fallu longtemps pour réaliser que Dogville et Dancer in the Dark étaient des films du même réalisateur. On y retrouve pourtant le même malaise, le même type de personnages féminins toujours sacrifiées. J’ai ensuite vu d’autres film de Lars Von Trier, pas tous…, jusqu’au magnifique Melancholia. Je l’ai vu dans des conditions similaires à Dogville, bien qu’à 800 km de distance et 8 ans d’écart : une toute petite salle de cinéma, seulement quelques personnes dans la salle et la lumière du jour, éblouissante, à la sortie du film. → Réserver le film

→ Retrouvez également dans les médiathèques du Sablon, Jean-Macé et Verlaine des sélections de films subversifs disponibles à l’emprunt, pendant toute la durée du festival.

Des films vous ont bousculés, heurtés, bouleversés, ont repoussé vos limites ? Partagez-les avec nous !

 

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Marianne V.

Bibliothécaire - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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