Les poésies de Paul Verlaine ont inspiré de nombreux artistes. En premier lieu, les chanteurs et musiciens. « De la musique avant toute chose… » écrivait le poète qui a également su insuffler un élan créateur à de grands peintres et graveurs.
Si les poèmes devenus des classiques dans les écoles donnent lieu à d’inégales illustrations, les recueils érotiques ont été mis en images par les plus grands noms, parmi lesquels Pierre Bonnard. Nabis de la première heure, le peintre s’est laissé envoûter par la sensualité des vers de Parallèlement. Ce remarquable ouvrage, dont les BMM conservent un exemplaire, constitue le clou d’un exceptionnel florilège d’ouvrages illustrés consacrés à la poésie érotique verlainienne, présenté lors de l’exposition « Et maintenant, aux fesses ! », du 25 avril au 15 juin 2014, à la Médiathèque Verlaine (Pontiffroy). Une première !
Verlaine présentait Parallèlement, édité pour la première fois en 1889 par Léon Vanier, comme « l’enfer de son Œuvre chrétien ». Le recueil réunit, comme souvent chez Verlaine, des pièces composées dans des circonstances et à des moments très différents de la vie du poète. On y retrouve, par exemple, les sonnets des Amies, qui avaient déjà fait l’objet d’une publication « sous le manteau », c’est à dire vendue entre amateurs.
Coll. BM Metz
Publié en 1900 par le marchand de tableaux Ambroise Vollard, qui édite là son premier ouvrage, le Parallèlement de Bonnard marque un tournant dans l’histoire de la bibliophilie moderne. Aussi le retient-on volontiers comme le premier livre d’artiste… ou de peintre, pour reprendre la terminologie de l’époque. Le livre de peintre vise alors à nouer, sinon un dialogue, du moins une complicité entre un poète et un peintre-graveur. L’ambition de Vollard était de combiner le texte puissamment évocateur du poète avec les lithographies spontanées, sensuelles, et allusives du peintre. Avec les strophes imprimées dans une police de caractères raffinée, mises en page dans un format ample, ce livre offre aux 109 lithographies originales de Pierre Bonnard, tirées en rose sanguine dans le prestigieux atelier d’Auguste Clot, suffisamment d’espace pour se développer librement autour des poèmes, jouer avec les marges et créer une circulation tout en légèreté et en suggestion entre les vers et leur interprétation iconographique. Textes et images sont à l’unisson. Et selon Antoine Terrasse, ce premier essai est très concluant :
« Pour accompagner les poèmes de Verlaine, Bonnard invente une composition irrégulière ; les lithographies jouent avec les strophes, les enlaçant, se mêlent à elles ou se glissent dans les marges, images voluptueuses et tendres dont le pouvoir de suggestion s’allie miraculeusement à l’art du poète… »
Coll. BM Metz
Reconnu comme l’un des plus beaux livres illustrés modernes, Parallèlement n’eut guère de succès à sa parution, les collectionneurs privilégiaient alors la gravure sur bois, ainsi les exemplaires reliés à l’époque sont-ils peu nombreux. Par la suite, la plupart des 200 exemplaires initialement imprimés restèrent invendus. Néanmoins, Parallèlement marque rétrospectivement un tournant dans l’histoire du livre illustré.
L’exemplaire des BMM porte le n°160, il a été imprimé sur vélin de Hollande de la maison Van Gelder avec le filigrane « Parallèlement ». Il a été relié par Georges Cretté en maroquin rose avec des doublures et des gardes beige rosé.
Trésors des bibliothèques de Lorraine, 1998. Notice 199.
Anne D.
Derniers articles parAnne D. (voir tous)
- Laurent De Troïl, graveur d’imaginaire - 1 décembre 2016
- Moteur… ça tourne ! Une saison au cinéma - 15 septembre 2016
- Richard Mithouard fête l’estampe - 6 mai 2016
