Si la célèbre conférence de Metz, tenue par Philip K. DICK lors de la deuxième édition du festival en 1977, est devenue l’événement emblématique de cette manifestation, elle ne doit pas pour autant cacher le foisonnement qui la caractérisa tout au long d’une décennie.
Contrairement aux champignons rouge et blanc de l’Etoile mystérieuse, le festival n’est pas apparu par génération spontanée. Depuis le début de la décennie, un terreau fertile en fanzines consacrés à ce genre existait à Metz. Henry-Luc Planchat, Raymond Milési, Bernard Stephan et… Philippe Hupp publiaient alors des traductions de nouvelles d’auteurs anglo-saxons et des inédits d’auteurs français, comme Pierre Stolze entre autres, dans les revues Mouvance et L’aube enclavée, plus tard Insolite. Une librairie spécialisée se trouvait également à Metz : Les Années-Lumières, 12 rue des Parmentiers.
La bonne étoile de Philippe Hupp lui fit rencontrer une grande amatrice de science-fiction, Marguerite Puhl-Demange, directrice du Républicain Lorrain. Grâce à son soutien sans faille, le Festival put obtenir une grande couverture médiatique ainsi que l’appui financier de la Ville de Metz.
Ce qui explique qu’en 1976, la 3e convention nationale française de science-fiction eut lieu dans la capitale lorraine, organisée par P. Hupp qui en profita pour lancer la première édition du Festival de SF de Metz.
Le premier auteur américain accueilli fut Theodore Sturgeon, dont le thème de prédilection était l’enfance. C’était, en quelque sorte, le Luigi Comencini de la SF. Bien d’autres écrivains d’envergure suivirent comme Frank Herbert, Serge Brussolo, Roger Zelazny, Pierre Pelot, Christopher Priest, Stephan Wul, P.J. Farmer, Richard Matheson, Norman Spinrad ou Robert Silverberg. Un prix littéraire, le Graoully d’or, fut même décerné de 1978 à 1982.
Mais ce qui fit la différence avec un classique salon du livre, c’est la volonté affichée des organisateurs de décliner la SF sous toutes ses formes, cinématographiques, musicales, graphiques.
Non seulement Metz eut la primeur de la projection de certains films comme La Guerre des étoiles. Mais des projets d’adaptation cinématographique y furent discutés comme, en 1978, celui négocié entre Frank Herbert et Alejandro Jodorowsky pour porter Dune à l’écran.
Dès le départ, de nombreux concerts enrichirent encore l’offre auprès d’un public jeune et curieux.
Groupes allemands, comme Can, ou new-yorkais, comme Suicide, qui fit un concert mémorable et mouvementé à la salle Braun en 1978, solistes, tel Bernard Szajner et sa harpe laser, ou encore le musicien Patrick Vian, fils de Boris, marquèrent de leur empreinte sonore les annales du festival.
Enfin des spectacles scéniques et la mise en avant de grands illustrateurs tels Druillet ou Moebius, ainsi que des ateliers d’initiation autour de loisirs encore balbutiants (jeux de rôles en 1986 et atelier de micro-informatique en 1984) finirent de compléter le dispositif proposé. Ce déploiement, dans tous les domaines, autour d’un genre qui prenait son essor à l’époque, explique, pour une large part, l’engouement populaire, près de 20 000 visiteurs par an, que rencontra le festival.
Mais « Times are changing« . L’improvisation bonne enfant dut céder le terrain devant l’alourdissement d’une gestion qui, à force d’embrasser trop de champs divers, avait du mal à étreindre une offre en extension continuelle.
L’atterrissage des frères Bogdanoff en hélicoptère, place d’Armes, devant la cathédrale, en 1986 symbolise bien la fin d’une époque. Ce fut la dernière édition du Festival, qui s’arrêta en plein succès.
« Que reste-t-il de nos amours ? » Cette manifestation a laissé beaucoup de nostalgie chez les Messins de l’époque mais elle a également eu de nombreuses répercussions à long terme. Par exemple, ce n’est pas un hasard si une habituée du festival, Stéphanie Nicot, lança l’idée d’un Festival de l’imaginaire à Epinal en 2001. Imaginales était née. Autre conséquence, la constitution d’un fonds important (plus de 15 000 volumes) consacré à la SF, la Fantasy et le Fantastique dans les collections des Bibliothèques-Médiathèques de Metz, qui en font la première bibliothèque publique de France pour la conservation de ce genre.
S’il fallait encore une preuve de la trace laissée par cet événement, c’est le succès rencontré, en 2013-2014, par l‘exposition dans les locaux du FRAC Lorraine, intitulée Si ce monde vous déplaît, en partenariat avec l’ESAL et les BMM. C’est d’ailleurs l’organisatrice de cette exposition, Hélène Meisel, qui viendra parler de l’histoire du Festival de Metz à la Médiathèque Verlaine, le 23 mai 2015, dans le cadre des Cafés-curiosité.
Dominique Ribeyre
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