À l’occasion de la célébration des Journées Européennes de la Culture Juive, il est utile de rappeler le rôle qu’a joué Metz dans la diffusion de cette culture, notamment à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles.
En effet, Metz a eu une grande réputation intellectuelle dans la communauté juive, dès le Moyen-Age. Par exemple, le rabbin Gershom de Metz (960 ?-1028) est considéré comme le grand ordonnateur des structures du judaïsme ashkénaze.
A la fin du XVIIIe siècle, 8 % de la population messine était juive. Ce qui explique la présence d’une yeshiva, école destinée à former les futurs rabbins. Outre les besoins à satisfaire pour l’exercice usuel du culte, l’existence d’une telle communauté intellectuelle pouvait constituer un marché intéressant pour un entrepreneur audacieux.
De fait, en 1764, Moïse May commença à imprimer à Metz des ouvrages, religieux pour la plupart, en hébreu. Comme la permission d’imprimer était réservée aux deux seuls imprimeurs catholiques de la cité, c’est sous leur nom, en l’occurrence celui de Joseph Antoine puis de Jean-Baptiste Collignon qu’il effectua ses premières publications.
Il rencontra un succès certain mais il eut la malencontreuse idée de vouloir éditer un Pentateuque, ce qui représentait un énorme travail, gourmand en temps et en argent ! Faute, comme on dirait de nos jours, d’étude de marché, il ne se rendit pas compte qu’il n’aurait pas assez de lecteurs en capacité d’acheter un tel ouvrage. Ce projet démesuré ruina les finances de May qui dut mettre la clef sous la porte.
Son gendre Goudchaux Spire, relança l’affaire sur des bases plus restreintes, obtint la permission d’éditer sous son propre nom et commença lui aussi par prospérer, relayé par son fils Abraham. Lorsque la Révolution éclata, ce dernier publia même un journal en yiddish pour informer ses coreligionnaires des événements qui se déroulaient à Paris. Hélas pour lui, il fut balayé par la tourmente révolutionnaire et finit lui aussi ruiné.
En 1813, une nouvelle tentative eut lieu, initiée par Ephraïm Hadamard. Reprenant le matériel de ses devanciers, il édita de nombreux ouvrages religieux jusqu’à ce qu’il cesse son activité vers 1827.
De cette étonnante aventure éditoriale qui a fait de Metz le premier centre de production d’ouvrages hébraïques en France, il reste dans les collections des Bibliothèques-Médiathèques de Metz, une quarantaine d’ouvrages conservés à la réserve précieuse sous la dénomination d’Hébraïca, échantillon représentatif de la production éditoriale messine.
Vous pourrez en voir une partie dans la salle Mutelet de la Médiathèque Verlaine, à l’occasion du Café Curiosité du vendredi 9 octobre 2015 au cours duquel Mme Désirée Mayer, présidente nationale des Journées Européennes de la Culture Juive, évoquera les fêtes juives comme clés de la transmission du judaïsme.
Et si vous voulez en savoir plus sur cette aventure éditoriale, n’hésitez pas à consulter l’article de Philippe Hoch, paru dans Epreuves du temps, pages 195-201, intitulé « Les éditions hébraïques messines : un aspect peu connu de l’histoire de l’imprimerie française aux XVIIIe et XIX e siècles ».
Dominique Ribeyre
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