La dent de l’évêque


Ainsi qu’on l’a vu dans un précédent article du blog, la caricature polémique, notamment antireligieuse, ne date pas d’hier !

Et comme promis, voici pourquoi cette dent perdue par Mgr Benzler s’appelle Fameck sur le dessin.

En janvier 1904,  un protestant est inhumé dans le cimetière catholique de Fameck. Appliquant le Concordat, Mgr Benzler, évêque de Metz, prononce aussitôt l’interdit sur le cimetière, empêchant que toute cérémonie religieuse catholique puisse désormais s’y dérouler.

Cette décision provoque aussitôt un vif débat. Évidemment dans le village concerné, où deux partis se constituent, l’un, celui des rouges autour du curé, qui lui est favorable, l’autre, celui des blancs autour de l’instituteur, qui lui est hostile. Mais plus encore dans tout l’Empire allemand où elle fera l’objet d’interventions au Reichstag .

La Lorraine, hebdomadaire catholique, soutient l’évêque, le Messin, de tendance libérale, le critique tandis que la Gazette de Lorraine, germanophile, s’en tient à une prudente réserve, qui n’est certes pas le lot de la presse libérale et protestante de langue allemande.

C’est que, derrière le différend religieux, se profile aussi un combat politique.

En effet, dans l’Alsace-Moselle de l’époque, la progression du protestantisme est assimilée à celle de la germanisation. Pour schématiser, l’indigène francophile catholique doit résister à l’avancée des colons allemands protestants.

Ce n’est pas le moindre paradoxe de cette affaire de voir un prélat allemand, nommé à Metz depuis 1901, apparaître comme un obstacle à la politique officielle d’assimilation du Reich.

Il est vrai que selon sa propre expression, il était là « non pour germaniser les Lorrains, mais pour les christianiser ! »

Le 14 mai 1904, l’interdit est levé, l’empereur ayant exigé que la loi allemande qui autorise ce genre d’inhumation, soit appliquée en Moselle comme dans tout le reste de l’Empire.

Et c’est au cours d’une entrevue en gare de Metz, que Guillaume II fera part de sa façon de penser à Mgr Benzler. La colère impériale s’exprimera encore plus tard par un jeu de mots « Der infâme Eck (le coin infâme) ».

Pour en savoir plus sur cette affaire, vous pourrez consulter Fameck, l’ancien et le nouveau, par Adrien Printz, Gérard Klopp, 1992, pages 144-147, disponible à la Médiathèque du Pontiffroy. Si vous pratiquez l’allemand, vous  y trouverez aussi, Erinnerungen aus meinem Leben, de Willibrord Benzler, Kunstverlag Beuron, 1922. Pour mieux apprécier le caractère de Mgr Benzler, lire l’excellent article qui lui est consacré par François Roth. Et sur la communauté protestante à l’époque, voir celui de Lionel Metzler.

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Dominique Ribeyre

Conservateur - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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