L’exposition Images d’un sou : Jouer, apprendre et chanter (1830-1960), qui se tient à la Médiathèque Verlaine du 13 septembre au 13 novembre 2016, s’ouvre sur les images messines que le célèbre poète admira dans son enfance et auxquelles il fait référence dans son recueil Jadis et naguère de 1884.
Le poème Image d’un sou cite explicitement deux gravures qui semblent avoir particulièrement marquées Verlaine au cours de ses jeunes années dans notre ville. Mais laissons-lui la parole :
« (…) Voici Damon qui soupire
Sa tendresse à Geneviève
De Brabant qui fait ce rêve
D’exercer un chaste empire
Dont elle-même se pâme
Sur la veuve du Pyrame
Tout exprès ressuscitée (…) »
Le personnage de Geneviève de Brabant semble plus légendaire qu’historique. Accusée à tort d’adultère, elle fut obligée de vivre plusieurs années avec son enfant dans une forêt où son mari, de retour de guerre, la découvrit miraculeusement au cours d’une chasse avant de devoir admettre son innocence.
Nous devons aux Métamorphoses d’Ovide la popularisation de la légende de Pyrame et Thisbé. Véritables Roméo et Juliette antiques, les deux jeunes amants babyloniens sont poussés au suicide par un quiproquo dramatique.
Ces deux légendes ont connu de nombreuses adaptations littéraires : plusieurs ouvrages issus des collections patrimoniales des Bibliothèques-Médiathèques de Metz en témoignent dès l’entrée de l’exposition.
On ignore cependant qu’elles ont également inspiré les compositeurs au cours des siècles. En effet, si ces aventures pleines de « bruits et de fureur » semblent aujourd’hui bien oubliées, elles firent très longtemps partie du patrimoine culturel commun de nos ancêtres. Comment s’étonner alors de les voir représentées sur les scènes lyriques, spectacles grand public et populaires (dans les théâtres, un sou suffisait pour réserver une place au paradis) ? Le fonds patrimonial musical des Bibliothèques-Médiathèques de Metz conserve les enregistrements de quelques adaptations musicales parfois très inattendues.
Unique opéra de Robert Schumann (1806-1856), Genoveva (Geneviève en allemand) fut créé le 25 juin 1850 à Leipzig. Le livret s’inspire de la célèbre légende médiévale. L’échec public et critique de l’œuvre joua un rôle décisif dans la décision du compositeur de ne plus écrire pour la scène. Echec surprenant si l’on en juge par l’écoute des diverses versions discographiques qui nous offrent un opéra d’une si grande qualité qu’il inspira même Richard Wagner (1813-1883).
Présentée dans l’exposition, la version vinylique réalisée par Kurt Masur avec les plus grands chanteurs allemande des années 1970, est considérée comme l’une des meilleures.
L’éditeur anglais Opera Rara, spécialisé dans la redécouverte de pages vocales oubliées du XIXème siècle, a eu l’excellente idée de consacrer un volume entier aux opérettes méconnues de Jacques Offenbach (1819-1880) sous le titre : « Entre nous : celebrating Offenbach – excerpts from the forgotten operas ». L’anthologie contient une adaptation très personnelle de l’histoire de Geneviève de Brabant, ce qui ne surprendra guère les admirateurs du « Mozart des Champs Elysées ». Cet opéra-bouffe en trois actes fut créé en décembre 1867. Dans un « récit et rondo du pâté » qui rencontra beaucoup de succès, le pâtissier Drogan vante les qualités aphrodisiaques d’un pâté de sa confection destiné à vaincre l’infertilité de Sifroy, époux de Geneviève de Brabant, et qui finalement ne lui donne qu’une terrible indigestion… Souhaitons avoir un jour la chance d’entendre l’œuvre dans son intégralité.
Le mythe de Pyrame et Thisbé a connu de très nombreuses adaptations musicales dès le Grand Siècle. François Rebel (1701-1775) et François Francoeur (1698-1787), qui assurèrent la direction bicéphale de l’Opéra de Paris de 1757 à 1767, nous ont laissé une tragédie lyrique en un prologue et cinq actes sur ce thème. Ils s’y montrent les dignes héritiers du grand Lully et annoncent déjà Rameau. Daniel Cuiller a gravé une intégrale de l’œuvre en première mondiale en 2007 à Nantes.
Les compositeurs italiens se sont également emparés de ce sujet dramatique en or. Peu connue, l’adaptation de Vincenzo Fiocchi (1767-1843) retient particulièrement l’attention. La firme italienne Bongiovanni a capté une exécution de cette pièce à Padoue en juillet 1999. L’écoute de l’enregistrement nous donne envie d’en savoir plus sur la vie et l’œuvre de cet italien qui vécut à Paris où il fut très apprécié comme professeur de chant.
Une pensée pleine de reconnaissance à Verlaine qui, par l’évocation des images de Metz de son enfance, éclaire de manière bienveillante des œuvres oubliées de l’histoire de la musique. Gageons que le procédé, plutôt inattendu, l’aurait enchanté.
À lire également : http://bm.metz.fr/iguana/www.main.cls?surl=images-sou-2016
Pascal L.
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