Dernières gorgées d’Amos

3035La 3é édition de la fête de la bière à Metz, qui vient de se conclure, fournit une belle l’occasion pour faire mousser le riche passé brassicole de la cité messine !

Contrairement à ce que l’imaginaire collectif retient, l’industrie de la bière a fait son apparition dans le pays messin avant l’annexion du département par l’Allemagne. En effet, la brasserie Amos a ouvert ses portes dès 1868 ! Elle a été fondée par Gustave Amos, jeune brasseur de Wasselonne (Bas-Rhin), dans la lignée de l’activité familiale. Excellent maître-brasseur et homme d’affaires remarquable, Gustave Amos parvient rapidement à hisser sa brasserie au premier rang des producteurs de bière mosellans, alors même que la ville de Metz comptait plus d’une quinzaine de brasseries en activité. D’abord installée dans le centre-ville, l’entreprise déménage dans le quartier du Sablon peu après la guerre de 1870.

Pendant toute la période de l’Annexion, Gustave Amos mit un point d’honneur à surpasser les brasseries germaniques qui s’étaient implantées dans le pays messin. A cette époque, la brasserie Amos devint le lieu de rencontre de la bourgeoisie messine d’origine française à Metz. Une anecdote rapportée par le site Bière et brasseries de Moselle, nous apprend qu’en 1895, un ancien notable messin âgé de 72 ans, éxilé à Pont-à-Mousson, faisait quotidiennement à bicyclette le trajet jusqu’à Metz pour rejoindre la tablée des habitués, entre 17 et 19 heures. Ainsi, les Lorrains « de souche » pouvaient librement déguster une bière du cru au nez et à la barbe de l’Occupant ! Devant le succès rencontré, Gustave Amos transforma son entreprise en Société Anonyme dès 1908, permettant ainsi à ses enfants de lui succéder et à l’entreprise familiale de rester indépendante. Grand bien lui en prit, car à peine deux ans plus tard, il mourut renversé par un fiacre devant sa brasserie. Gustave-fils prit dès lors la direction de la société Amos. Bien que la concurrence des brasseries allemandes fût vive, à la veille de la Première Guerre mondiale, Amos était au troisième rang des brasseries mosellanes, avec une production annuelle de 70.000 hectolitres. Cette forte activité peut en partie s’expliquer par la présence d’une importante garnison stationnée dans la cité ; en outre, la population allemande immigrée était grande consommatrice de bière… et ce malgré la polémique rapportée dans La Gazette lorraine, presse d’expression française officielle de l’occupant, selon laquelle les brasseries d’origine française servaient la bière dans des verres de plus petite contenance que les chopes allemandes !

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La Première Guerre mondiale vint juguler cette croissance : en 1916, la production annuelle de la brasserie dépassait à peine 20.000 hl. Pourtant, l’activité se maintint tant bien que mal, et au lendemain de la guerre, la production repartit de plus belle. Jean Amos, qui reprit la direction après le départ de son frère Gustave dans les années 1920, modernisa considérablement l’entreprise. La période de l’entre-deux-guerres constitua l’époque faste de la brasserie : en 1928, celle-ci produisit 180.000 hl de bière, et 185.000 hl l’année suivante ! Elle devint dès lors la première brasserie régionale, et détint même 30% des actions de la Brasserie de Basse-Yutz.

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La Seconde Guerre mondiale marque un temps d’arrêt. Au lendemain de la Libération, tout est à reconstruire. Jean Amos s’attelle une nouvelle fois à la tâche, avec un certain succès. Très ancrée dans le paysage local, la brasserie continue son expansion, et saisit le tournant de la renaissance économique des Trente glorieuses, contrairement à plusieurs de ses consoeurs lorraines. En 1962, Gérard Frantz, arrière-petit-fils de Gustave, reprend le flambeau de l’entreprise familiale et en poursuit la modernisation. Tout en diversifiant l’activité de la brasserie dès le début des années 1970, il conforte la place du groupe Amos comme un leader de la  fabrication de la bière en Lorraine, avec près de 3800 points de vente à la fin des années 1970, comme l’atteste ce reportage télévisé. En 1989, sous la conduite de cet homme d’entreprise, la brasserie produit 230.000 hectolitres. Le brassage se poursuivit à Metz jusqu’en 1992.

En partie victime des grands regroupements de groupes brassicoles à l’échelon européen, l’usine Amos arrête définitivement le brassage et l’enfûtage le 31 octobre 1993. Ni saint Arnoul de Metz, patron des brasseurs, ni Gambrinus, avatar avant l’heure de la marque, ne purent intercéder en sa faveur, mais Amos reste dans la mémoire de la cité…

Aujourd’hui, un ensemble résidenteil a pris place sur les vestiges du site, mais  quelques éléments architecturaux subsistent, dont le tonneau de bière qui couronnait l’usine. La Ville de Metz a choisi en juin 2009 de rebaptiser « pont Amos » le pont routier voisin, légitimant le nom populaire courant, et l’association des commerçants de la rue du XXe corps a pris le nom d’Association Amos. Enfin, quelques bistrots ayant gardé  l’enseigne « Tasse Amos » rappellent encore çà et là le passé florissant de cette grande brasserie messine.

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Anne D.

Bibliothécaire - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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