Du bon usage de l’orang-outan en bibliothèque

Terry Pratchett vient de s’éteindre. Il a reçu la visite de la Mort, qui est du genre masculin comme le savent les gens bien informés. Bien informés, il faut d’ailleurs qu’ils le soient, puisque ceux qui ont eu cette information de première main, généralement squelettique, ne sont jamais revenus pour nous le dire.

Terry Pratchett, écrivain et magicien

D’après un sondage récent auprès du public britannique, Terry Pratchett arrivait en deuxième place comme le meilleur auteur britannique de littérature de l’imaginaire, juste derrière J. K. Rowing. Démiurge, comme tout bon écrivain de SF se doit de l’être, il a créé l’univers du Disque-monde qui a enchanté des millions de lecteurs dans tous les pays, tout au long de la quarantaine de volumes qu’il lui a consacrés.

Mais, c’est surtout sa contribution à la bibliothéconomie, science de la gestion des bibliothèques, qui retiendra ici notre attention. Car d’après lui, si le singe est notre cousin, l’orang-outan est le collègue des bibliothécaires.

450px-Discworld-librarianEn effet, à Ankh-Morpok, une des principales villes du Disque-Monde, la bibliothèque de l’Université de l’Invisible est tenue par un petit homme des bois (en indonésien Orang-outan). Il se murmure qu’à l’origine, il s’agirait d’un mage transformé en créature simiesque suite à l’utilisation d’un sort qui aurait mal tourné. Le nom de ce mage ? Si quelqu’un le sait, il se garde bien de le donner car l’orang-outan semble fort désireux de le conserver secret et n’hésite pas à recourir à des méthodes musclées, en fait une mais très efficace, pour que cela reste une énigme. Il a pourtant eu l’occasion de redevenir humain mais il a refusé, trouvant que sa nouvelle apparence lui était plus utile dans l’exercice de sa profession.

De fait, un bibliothécaire quadrumane peut plus facilement grimper le long des étagères, qui peuvent être fort hautes, pour trouver l’ouvrage recherché.
Ses possibilités oratoires étant réduites à un simple « Ook », décliné sur bien des tons, obligent l’usager à préciser sa pensée et à éviter de perdre son vis-à-vis dans une demande trop large ou trop floue.

Sa force musculaire évidente incite également le demandeur à se montrer courtois et poli et à remiser au fin fond de son sous-moi toute velléité d’irascibilité. En parlant de ça, évitez de lui faire remarquer qu’il est un singe, cela suscite toujours chez lui une réaction violente, mais compréhensible. Quel bibliothécaire digne de ce nom accepterait de se faire traiter de singe ? Ceci dit, sans mépris aucun pour nos lointains cousins.

Une relation apaisée entre les deux parties étant ainsi établie, la recherche peut avoir lieu, aux risques et périls du chercheur inconscient. Il faut savoir que, dans cette bibliothèque regorgeant de magie tout autant que de documents, si les livres sont enchaînés, ce n’est pas pour éviter le vol, mais l’attaque des lecteurs par les ouvrages qu’ils sont venus consulter. Consulter et pas emprunter, notre bibliothécaire étant résolument opposé à toute sortie hors de la bibliothèque.

Enfin les besoins d’un orang-outan sont réduits, un simple régime de bananes lui suffit comme salaire, contrairement au chimpanzé qui travaille pour des cacahuètes. Ce qui ne peut que susciter l’approbation du responsable des Finances de l’Université qui, comme tous les gestionnaires financiers à Ankh-Morpok, est un vampire. Mais seulement à Ankh-Morpok rassurez-vous ! Quoique…

Les avantages de l’introduction de l’Orang-outan en bibliothèque sont tellement évidents que l’on s’étonne de ne pas en voir davantage dans nos contrées. Sans doute, parce que dans notre monde, cette espèce est menacée de disparition.

Terry Pratchett s’est d’ailleurs associé à bien des actions de préservation de ce sympathique singe roux. Ce dernier est un des personnages du récurrents du Disque-Monde, reflet à peine déformé des problèmes qui agitent notre monde et critique ironique du Politiquement correct.

Remettons donc ce disque sur la platine de notre imaginaire et revivons une nouvelle fois, notamment grâce aux collections des Bibliothèques-Médiathèques de Metz, les aventures de Rincevent, du commissaire Vimaire, de Mémé Ciredutemps et de tous les autres, sans oublier notre bibliothécaire qui s’appelle… . Oups ! Non, je n’ai rien dit ! Une banane peut-être ?

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Dominique Ribeyre

Conservateur - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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1 comment

  1. je suis tombé sur votre article grâce à une saga mp3 qui parlait d’ un orang outan bibliothécaire (kingdom of paf) .
    je connaissez M Pratchett pour sa collaboration avec M Gaiman pour le livre « de bons présages » qui est un merveille.
    Je m’en vais de ce pas découvrir les livres du disque monde.
    Malheureusement, je ne pourrais pas profiter de la bibliothèque de la médiathèque de Metz><.

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