Les jeux vidéo musicaux

Le 18 octobre prochain sortira Rocksmith  sur PS3 et Xbox360. Celui-ci permettra de brancher une véritable guitare sur sa console. Simulation encore plus réaliste que ses prédécesseurs – Guitar Hero ou encore Rock Band presque déjà dépassés sur un marché du jeu vidéo musical embourbé par la multitude de références – celle-ci tire son épingle du jeu sur un aspect : l’apprentissage.

Basé sur la technologie développée par GameTank pour le programme Guitar Rising, Rocksmith sonne peut être un renouveau en matière de jeu vidéo musical alliant pédagogie et ludicité. Doit-on y voir un nouveau rapport à la pratique musicale ? Un nouveau moyen aussi de découvrir la musique ? Une chose est sûre : le monde du jeu vidéo a changé quelques pratiques durant la dernière décennie notamment. Petite rétrospective du genre et mise en avant des perspectives.

Un précurseur nommé Simon

Les fleurs hippies commencent à se retirer, le glam commence à arriver, le rock se durcit… Les jeux vidéos entament eux aussi leur révolution. En 1971, Nolan Bushnell (créateur de la célèbre firme Atari) et Ted Dabney créent la première borne d’arcade. Un an plus tard, Atari commercialise la première console pour particuliers sur les travaux d’un dénommé Ralph H Baer. Ce dernier sera à l’initiative d’une invention commercialisée en 1978 : le Simon (Simon Says… en anglais dans le texte). Son principe : reproduire les combinaisons sonores et visuelles (4 couleurs pour 4 fréquences de son) que nous demande d’exécuter la machine.

Anticipation, son, lumière : il serait juste de donner le titre de « précurseur du jeu vidéo musical » à notre ami Baer (considéré par ailleurs comme le père des jeux vidéos). Une catégorie naît alors ; les jeux eidétiques faisant référence à la mémoire du même nom.

Les fondations sont posées…

La naissance des jeux de rythme

Malgré une crise traversée par l’industrie du jeu vidéo pendant les années 83-84 (), celle-ci reprendra pied au plancher grâce à la sortie du titre culte de Nintendo, Super Mario Bros, qui sortira en 1985. La firme japonaise va devenir le moteur de tout un secteur et, sous cette impulsion, va développer le premier jeu de rythme (jeu axé sur le rythme et la capacité du joueur à suivre celui-ci sur un tempo donné).

Ainsi, Dance Aerobics sort en 1987 et va inaugurer le premier accessoire (hors manettes « traditionnelles ») lié à un jeu vidéo musical ; le fameux tapis Power Pad.

Malgré les innovations qu’a pu apporter Nintendo, les années 80 et la première partie des années 90 ne seront pas très propices au développement du genre. Crise du modèle économique et problème de stockage des données permettant une interface et une programmation plus aboutie seront les deux contraintes majeures de la décennie 80 pour les créateurs.

Des balbutiements à l’âge d’or du jeu de rythme

1996 : 2 Unlimited et Take That se séparent, MTV assoit son pouvoir sur le marché télévisuel musical en créant MTV2… La fin d’une époque d’innocence. Le rapport à la musique change ; ceux vis-à-vis du jeu vidéo aussi. La guerre des grandes firmes commence et c’est dans ce contexte que vont sortir les prémices du jeu vidéo musical « moderne ».

PaRappa, The Rapper sort tout d’abord sur PlayStation et va rassembler tous les composants présents jusque là ; l’aspect rythmique, l’interface, l’univers graphique propre à la console… Mais la véritable référence qui va ouvrir grand la porte de l’âge d’or du jeu vidéo musical est Frequency. Celui-ci tant par son interface (développée par ailleurs par Harmonix, à l’origine de Guitar Hero) que par les morceaux en versions originales – révolution à l’époque – qui le composent vont se montrer en avance sur leur temps. Ce jeu va permettre d’élaborer Guitar Hero, d’influencer ses concepteurs mais aussi de faire entrer l’industrie discographique dans le monde du jeu vidéo musical.

Nintendo tentera de répliquer avec Donkey Konga quelques années plus tard en y ajoutant un accessoire : la fameuse paire de congas qui va définitivement propulser le jeu vidéo musical sur le devant de la scène.

Age d’or et marketing

Les années 2000 voient donc fleurir les références. Guitar Hero, probablement la plus populaire, sort en 2005 et est un succès surprenant. L’éditeur de la référence, Activision, flaire le potentiel commercial et réalise un troisième volet avec une play-list composée en quasi totalité de titres originaux et à fort potentiel vendeur (Slash ex-guitariste du groupe Guns N’ Roses lui prête même son image).

La chute des ventes de disques et l’évolution des consoles vont lier plus que jamais éditeurs musicaux désespérés et concepteurs de jeux. Les gens n’achètent plus de supports physiques mais téléchargent des chansons pour jouer : certains vont y voir là un eldorado ! Joe Perry par exemple – guitariste d’Aerosmith – confessera qu’il aura gagné plus d’argent avec Guitar Hero Aerosmith qu’avec l’album le plus rentable du groupe (Toys In The Attic, 8 fois disque de platine !!!). Autre chiffre significatif, les ventes sur le catalogue de la formation ont augmenté de 40% quelques semaines après la sortie du jeu. Inespéré !

Nous sommes en 2009 ; les DJ ont remplacé les rock stars, les mesures se comptent en boucles et en BPM. La musique change et ses jeux vidéos aussi ; DJ Hero dernière référence d’Activision sort. On est partagé entre nouveauté et vitrine publicitaire, entre récupération par une industrie discographique au plus bas et des références de jeux se multipliant et devenant coûteuses.

Pour (par)achever tout ça, Activision annonce en février 2011 l’arrêt de son investissement dans les jeux de rythme préférant se concentrer sur ses autres licences (World Of Warcraft, Call Of Duty…) ().

Rocksmith est donc plus qu’attendu au tournant pour cette rentrée 2011. L’aspect pédagogique pourrait relancer le genre mais il faut toutefois nuancer le propos. Comme certains s’étaient pris à rêver d’un sauvetage de l’industrie du disque, d’autres pourraient y voir là le moyen de transformer les gamers en ersatz de Slash en quelques semaines.

Alors même si le jeu vidéo a pu faire connaître des artistes, conforter la notoriété de certains, on ne pourra probablement pas (pour le moment en tout cas) substituer un écran à un professeur ni à une prise en main didactique et la pratique active d’un instrument. Par ailleurs, la variété des chansons utilisées pour Rocksmith est limitée. Quid du reggae ? Du jazz ? De la bossa nova ?  Pourrait-on imaginer d’autres versions avec d’autres genres musicaux ? Pensées aussi pour d’autres instruments ? Est-ce réalisable ? Commercialisable ?

Nous sommes en 2011 ; la musique reste la musique et doit toujours être partagée. Lorsque l’on télécharge une chanson destinée à s’amuser dans son salon, il ne s’agit pas de la même démarche que lorsque l’on se procure l’œuvre pour elle-même. Le jeu vidéo, musical ou pas, reste le jeu vidéo et est avant tout un moyen de divertissement alors… Amusez-vous bien !

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Interpellé par les sons entendus lors des fêtes foraines ou pendant les matchs de basket étant enfant, c’est tout naturellement que Pierre Alberici se passionne pour la musique. Il grandit avec la dance-music et le punk-rock avant d’élargir sa discographie vers le hip hop et les musiques électroniques. DJ, ex-manager des groupes P.O. Box ou Aerial View, Pierre Alberici a été aussi rédacteur en chef de plusieurs sites/périodiques culturels (Funk You Dear, Face A). Il est désormais formateur dans le champ des musiques actuelles et s’occupe parallèlement de programmation musicale d’émissions de radio.

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