Au même titre que la Grande histoire, l’histoire de la musique, ou plus précisément la vie des musiciens, révèle parfois quelque anecdote croustillante.
Si, de plus, la plupart des protagonistes sont Messins, comment résister à l’envie de la partager ?
Né en 1742 à Budenice en Bohème, le compositeur et harpiste virtuose Jan Krtitel (Jean-Baptiste) Krumpholtz montra très tôt des dons pour la musique au point qu’il fut rapidement remarqué par Joseph Haydn qui lui proposa de rejoindre l’orchestre qu’il dirigeait alors en Hongrie. Le maître autrichien en profita également pour lui enseigner la composition.
Avec le soutien de son mentor, Krumpholtz entreprit en 1776 une tournée européenne en qualité de virtuose de la harpe. Gilbert Rose ( Metz et la musique au XVIIIème siècle Éditions Serpenoise, 1992) a montré que Metz était au XVIIIe siècle une « place forte de la musique », à mi-chemin entre Paris et Mannheim, rien d’étonnant donc à ce que notre voyageur s’y arrête le temps d’un concert. Il y restera six mois, trop content, lui le passionné de facture instrumentale, de se voir offrir un emploi en Fournirue dans l’atelier du maître luthier messin (et non parisien comme on le lit parfois) Simon Gilbert (1718-1782) et de pouvoir ainsi travailler avec succès au perfectionnement de son instrument.
Krumpholtz ne trouve pas seulement à Metz le moyen d’exercer sa passion, il y trouve également l’amour car il épouse en première noce Marguerite Gilbert (1742-1783), la fille de son patron. Un bonheur n’arrivant jamais seul, la fille d’un de ses collègues d’atelier attire son attention par ses qualités musicales et son intérêt pour la harpe. A peine âgée de dix ans, Anne-Marie Steckler est née à Haute-Vigneulles le 10 octobre 1766, le compositeur n’hésite pas un instant à en faire son élève. Elle acquiert en quelques mois une habilité supérieure à celle de son professeur au point que Krumpholtz décide en 1777 de présenter à Paris cette enfant virtuose qui, comme le jeune Mozart, jouera même devant le reine. Elle n’oublie cependant pas de rendre visite à son père puisqu’elle donne cinq concerts à l’hôtel de ville de Metz de janvier à juillet 1781.
Mais déjà on murmure que Krumpholtz éprouve un peu plus que de l’affection pour son élève si douée au point que personne ne s’étonne de voir Anne-Marie Steckler épouser son Pygmalion en 1783 (elle a à peine 16 ans et demi) lorsque la première femme du compositeur décède en couches.
Le ménage Krumpholtz ne compte plus ses succès parisiens. Pourtant, marié à un homme de 24 ans son aîné, madame cède à l’attrait de la jeunesse en tombant dans les bras d’un compatriote et confrère de son époux, Jan Ladislav Dussek (1760-1812), dont la réputation de libertin n’est plus à faire. Devenu vieux et obèse, celui-ci finira sa vie au service de Talleyrand qui, dit-on, le surnommait affectueusement, « ce bon gros Dussek ».
Elle abonne ainsi vers 1788 mari, enfants et beaux-enfants pour traverser la Manche en compagnie de son amant. Elle n’abandonne cependant pas la harpe et se fera une excellente réputation à Londres en interprétant notamment les œuvres de son nouveau compagnon ainsi qu’un concerto spécialement composé pour elle par Steibelt (par ailleurs escroc notoire, obligé de fuir le continent et l’armée de ses créanciers).
À Paris, Krumpholtz ne se remettant pas de la perte de sa femme finit, en 1790, par se jeter dans la Seine au niveau du Pont-Neuf. Ironie de l’histoire, selon certaines sources difficiles à vérifier, Anne-Marie Steckler meurt le 15 novembre 1813, d’ « une attaque d’apoplexie » (dans un sens aujourd’hui désuet, ce terme désignait alors les effets visibles d’un accident vasculaire cérébral) suite à l’immense frayeur causé par… un début de noyade lors du naufrage d’une barque empruntée pour une promenade fluviale !
Pascal L.
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29 décembre 2015 à 21 h 28 min ·
Bonjour, je m’intéresse à cette histoire de Krumpholtz, Gilbert et Steckler… sur laquelle je suis arrivé dans mes recherches sur un autre musicien. Avez-vous des sources pour écrire: » lorsque la première femme du compositeur décède en couches. » ansi que l’anecdote de l’apoplexie du 15 11 1813. Ou bien est-ce légèrement romancé autour des infos que l’on peut glaner ici ou là. (j’ai pu consulter l’article: Une virtuose de la harpe, Anne-Marie Steckler) Hélas les archives en ligne de la Moselle pour la commune de Haute-Vigneulles ne sont pas à ce jour disponibles, j’aurais pu vérifier l’acte de naissance d’Anne-Marie Steckler. merci de votre réponse. Cordialement