Art et architecture au service du Roi Soleil

FIE_LEC_3061.1.1 - CopieEn 72 ans de règne, Louis XIV a su forger un art à son image, dénommé par la suite « classicisme français ». Ce style proprement dit correspond essentiellement à l’apogée du règne personnel du monarque, entre 1661 et 1690. Il est incarné par les choix artistiques de Charles Le Brun, qui prône un art au service du pouvoir et des institutions. Ce dernier fait preuve d’autorité voire de dirigisme, et impose des règles strictes aux artistes. Il impose donc une unité stylistique aux créations artistiques sous Louis XIV et peut être considéré comme l’inventeur d’un « art officiel ».

De même, à l’occasion des travaux de réfection du Louvre et à l’occasion de la construction du château de Versailles, Louis XIV souhaite inscrire son règne dans l’histoire des arts et, pour ce faire, commande à Charles Le Brun la création d’un « ordre français » qui complèterait les trois ordres classiques hérités de l’antiquité grecque. Les choix architecturaux du roi, à travers l’ordre établi par Le Brun, ne laissent guère de place à une quelconque forme d’originalité : les artistes n’ont dès lors plus qu’un but, plaire au roi. La régularité et la symétrie de structures simples et massives imposent une beauté architecturale rationnelle, placée sous l’égide des maîtres anciens, et qui se concrétise par une ordonnance claire de grands ensembles horizontaux.

FIE_LEC_132_2 - CopieCet engouement « monarchique » pour la création artistique se traduit également par la mise en place d’institutions ad hoc. Ainsi, une Académie d’architecture est instituée en 1671. Plus tôt, en 1648, sous la régence d’Anne d’Autriche, l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture avait été fondée sur le modèle des académies italiennes créées à Rome et Florence au cours du XVIe siècle. En 1655, cette institution s’ouvre également aux graveurs.

FIE_LEC_263_01 - CopieColbert, alors chargé de veiller à la gestion des finances royales, voit en cette Académie un instrument pour mettre les artistes au service et sous le contrôle de l’État. Il en est nommé vice protecteur en 1663 et Charles Le Brun, son peintre favori, directeur : la création artistique se codifie et le langage iconographique désormais de rigueur est largement diffusé par l’Académie via son rôle de formation de jeunes artistes et d’élaboration des règles du « bon goût ». L’Académie définit alors très précisément le circuit de formation des artistes, mais aussi leurs thématiques, tirées de l’histoire et de la mythologie gréco-romaine, notamment, en plus de la glorification du pouvoir. Sous l’influence de Poussin, la primauté est donnée à l’esprit plutôt qu’aux sens, et donc à celle du sujet historique ou mythologique sur tout autre objet. Au service du fondement rationnel de cet art, Le Brun tire du Traité des passions de Descartes un singulier tableau analytique des expressions et de leur représentation, qui sera gravé par Sébastien Le Clerc.

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Enfin, en 1662, la manufacture des Gobelins est rachetée par Colbert pour la Couronne, puis transformée en « manufacture royale des meubles de la Couronne » sous son impulsion. Confiée également à Le Brun, elle s’inscrit dans l’élaboration d’un mécénat d’Etat et concentre en ses murs non seulement des peintres et des tapissiers mais encore des orfèvres, des fondeurs, des graveurs et des ébénistes. Les sollicitations du monarque à l’égard de ces artistes triés sur le volet entraînent la réalisation de nombreuses œuvres de grande qualité, que ceux-ci n’auraient pu entreprendre à leurs frais. Mais, bien entendu, ces commandes servent avant tout à alimenter la consolidation de la figure monarchique et asseoir la domination française dans les domaines artistiques. Triomphe des arts français et glorification du roi restent donc les maîtres-mots de cette démarche politique. Sébastien Le Clerc contribue massivement à cette entreprise d’édification en reproduisant fidèlement les créations architecturales ainsi que les tapisseries des Gobelins. Il représente ainsi par la gravure les grands travaux entrepris au Louvre, mais aussi certaines galeries du château de Versailles ou encore les nombreux arcs de triomphe érigés en l’honneur du monarque. La diffusion qu’assure alors la gravure assoit un peu plus la notoriété du style louis-quatorzien.

Un siècle plus tard, à Metz, le gouverneur des Trois-Evêchés Belle-Isle, mettra en œuvre à l’échelon local une politique d’ampleur sur ce modèle, en instituant d’une part la Société royale des sciences et des arts de la ville de Metz, et en rénovant la ville par d’audacieux projets urbanistiques confiés à Blondel. Ce dernier développe une architecture spécifique pour la ville qu’il définit dans ses cours : « sans être pesante, [elle] conserve dans son ordonnance un caractère de fermeté assorti à la grandeur des lieux et au genre de l’édifice ; [elle] est simple dans sa composition générale, sage dans ses formes, et peu chargée de détails dans ses ornements ; [elle] s’annonce par des plans rectilignes, par des angles droits, par des corps avancés qui portent de grandes ombres ; [elle] (…) doit-être composée de belles masses, dans lesquelles on prend soin d’éviter les petites parties, le chétif et le grand ne pouvant aller ensemble. » 

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Anne D.

Bibliothécaire - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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