Bataille !

« J’ai trop aimé la guerre » aurait confessé Louis XIV sur son lit de mort. Pour certains historiens, il semble évident que le souverain eut la volonté d’inscrire sa politique extérieure dans le cadre plus large d’une recherche de prestige. Au début de son règne personnel, la guerre, notamment la Guerre de Dévolution (1667-1668), apparaît comme le désir d’un jeune souverain de s’affirmer sur la scène européenne. Par la suite, l’activité guerrière s’affirme comme un fondement de l’autorité royale, le roi incarnant en sa personne la légitimité belliciste.

Les représentations iconographiques de ces actions militaires participent pleinement à l’édification de la grandeur du Roi Soleil. Il s’agit, par le biais de l’image, d’exalter la puissance du chef des armées, tout en intimidant et en rabaissant l’adversaire.

Enluminure - Mortifiement de Vaine Plaisance - Coll.BM MetzL’iconographie de batailles n’est pas un fait nouveau. Ainsi, une enluminure issue de la série du Mortifiement de Vaine Plaisance, réalisée pour le roi René d’Anjou (1409-1480), représente l’attaque d’un château-fort. Mais il s’agit ici d’un combat allégorique, mettant en scène un guerrier à l’assaut de la cité, symbolisant le monde rempli de vices et de délices. L’absence de perspective propre à l’iconographie médiévale en donne une vision figée. Près de 150 ans plus tard, le célèbre graveur lorrain Jacques Callot s’attaque à cet exercice : sur la demande de Marie de Médicis, il est chargé d’immortaliser le siège de La Rochelle orchestré par Louis XIII. Composé de 6 planches et exécuté en vue cavalière, le parti-pris de cet ensemble gravé est avant tout d’embrasser le vaste site des opérations et les dizaines de scènes prises sur le vif qui l’animent. Cet angle de vue confère à la réalisation de Callot une dimension presque topographique par son réalisme de terrain. Il réalise également une série sur la Guerre de Trente ans : « Les Misères et les malheurs de la guerre« .

FIE_LEC_174_3 - CopieEntre allégorie et réalisme, les réalisations des artistes au service de Louis XIV tendent à présenter le roi guerrier en position héroïque et majestueuse, nullement atteint par le tumulte des combats. Elles trouvent leur acmé dans la série de tapisseries, baptisée « Histoire du roi », réalisées par l’atelier des Gobelins sur les modèles de Charles Le Brun : destinée à illustrer les hauts faits militaires, civils et diplomatiques du monarque, elle sera largement diffusée sous forme d’estampes par Sébastien Le Clerc. On y voit Louis XIV, souvent au premier plan, en retrait de l’action, arborant une posture altière, un maintien fier ; il ne s’agit pas de montrer les opérations militaires elles-mêmes, mais le rôle de chef que le roi y tient. De ce fait, la figure du roi dénote volontiers du reste de la scène, selon divers registres : visage impassible contrastant avec le tumulte ambiant, posture de commandement au milieu d’une action…, les violences de la guerre sont alors fréquemment rejetées au second plan. Dans les représentations des divers épisodes de la Guerre de Dévolution, les figures pourtant déterminantes de Turenne et Condé sont ainsi elles-mêmes gommées au profit du roi tout-puissant.

FIE_LEC_634_5 - CopieDe même, si Charles Le Brun convoqua régulièrement, dans ses premières esquisses, l’Olympe et ses dieux pour traduire sous forme allégorique les qualités du roi, il abandonne progressivement ce langage visuel, laissant place à plus de réalisme, pour atteindre une certaine efficacité du discours… et de la propagande.

Ainsi, toute l’iconographie louis-quatorzième de bataille doit concourir à la suprématie incontestable du grand monarque.

Deux siècles plus tard, le mouvement tumultueux des campagnes militaires gagne « l’art de guerre ». Il en est ainsi des images populaires traduisant les combats de la guerre de 1870. Pour relater la bataille de Borny, du 14 août 1870, l’imagerie Didion propose une composition cacophonique qui suggère aisément la violence des corps à corps, et celle des machineries de guerre nouvellement mises au point. En outre, seuls les soldats y sont représentés, avec une certaine égalité de traitement. La figure individuelle du monarque, ou plus exactement de l’empereur, s’efface au profit du groupe.

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Anne D.

Bibliothécaire - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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