Les Bibliothèques-Médiathèques de Metz viennent de faire l’acquisition, pour leurs collections d’estampes, d’une pièce exceptionnelle de Christiane Vielle, artiste graveur majeur dont l’œuvre réussit l’épreuve de force d’appartenir simultanément à la tradition classique quant à la technique et à l’art contemporain par son esthétique abstraite, à la fois dense comme le charbon et légère comme l’écume.
Dès sa première publication en 1897, la cascade typographique de Jamais un coup de dés n’abolira le hasard illustre la rêverie par bribes de la poésie de Mallarmé, l’auteur ayant lui-même imaginé la mise en page. Avec le concours du grand typographe François da Ros, Christiane Vielle a entrepris pour Alain Baudry, en 1989, une relecture typographique ce texte mythique en l’enchâssant dans une composition de cinq gravures originales. Entraîné par un jeu de rabats dans cette nouvelle mise en espace, chaque lecteur explore un chemin dont il est le seul inventeur, chaque page lui offrant de multiples visions. Grâce à sa parfaite maîtrise de la gravure sur cuivre et de l’aquatinte, Christiane Vielle redouble le roulement du verbe mallarméen dans un vaste panorama, en un geste qui devient paysage où le hasard pourrait lui-même n’être pas totalement aboli.
L’exemplaire désormais messin est l’épreuve d’artiste n°1. Le livre est accompagné d’un portfolio comprenant une plaque de cuivre (perforée après le tirage, selon l’usage contemporain), une suite des gravures à « grande marge » au format 65 / 55 cm et une suite d’états de la double page qui porte notamment le vers :
« … l’ombre enfouie dans la profondeur par cette voile alternative … »
Cette suite révèle le travail de l’artiste qui procède par dépouillement progressif des grandes lames d’encre jetées en travers du cuivre, processus auquel la patiente observation de l’art d’extrême orient n’est sans doute pas étrangère. Le noir subit une lente rétractation qui semble le concentrer au cœur même du mouvement des lignes qui le sculpte.
Christiane Vielle est venue plusieurs fois à Metz, pour exposer à la Bottega et à la galerie Au Pastel, rue Taison. elle a été invitée par Jean-François Chassaing à la 10e édition du Salon international de gravure de Morhange, en 2010. Elle a naguère enseigné son esthétique à l’Université Paul-Verlaine. Verlaine dont Mallarmé ouvrit le « Tombeau », pour le premier anniversaire de la mort du poète, par un vers tout aussi digne de Christiane Vielle :
« Le noir roc courroucé que la bise le roule ».
Décidément, jamais un coup de dés…
André-Pierre Syren
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merci pour cette information et felicitations depuis le Liban ;je vous ecris sur un clavier ou je ne touve pas les accents…