Une épidémie de vampirisme frappe l’Europe centrale et orientale de 1720 à 1735. On ne compte plus les cadavres suspects dans les cimetières : intacts, tellement gorgés de sang qu’il ressort des corps. Empalement, décapitation, crémation, toutes les méthodes sont utilisées pour les rendre définitivement inoffensifs. Les autorités officielles prennent ces affaires au sérieux et n’hésitent pas à ouvrir des enquêtes.
Voilà qui ne pouvait que choquer les esprits éclairés de l’époque. Parmi ceux-ci, Dom Augustin Calmet, bénédictin de l’abbaye de Senones, célèbre notamment pour ses travaux érudits, s’intéressa au phénomène. Il en fit l’objet d’un Traité sur les apparitions des esprits et sur les vampires ou les revenans de Hongrie, de Moravie… en 1746 qui fut repris en 1751 sous le titre Dissertation sur les revenants en corps, les excommuniés, les oupires ou vampires, brucolaques, etc.
Cette étude très précise et très documentée lui attira les sarcasmes de Voltaire et d’autres intellectuels des Lumières, attribuant au grand âge, 74 ans, de l’auteur un certain relâchement de son discernement. Or, tout au contraire, Dom Calmet , en bon rationaliste chrétien qu’il était, conclut à la fin de son traité à la non existence des vampires. Mais le mal était fait et le bon abbé passa à la postérité pour un vampirolâtre (erreur reprise dans des textes très récents comme la Bible de Dracula).
Son traité, cependant, devait produire une postérité qui eut bien étonné son auteur. En effet, traduit en anglais en 1850, certains de ses passages inspirèrent Sheridan le Fanu pour sa nouvelle Carmilla et probablement Bram Stoker y trouva-t-il l’idée de son Dracula. Et ainsi cette créature des ténèbres prit-elle son envol littéraire et bientôt cinématographique, se métamorphosant de paysan sanguinolent du XVIIIe siècle en l’adolescent immortel de Twilight, pour ne pas parler du réjouissant vampire photographe de Terry Pratchett.
Si vous voulez en savoir plus, ne manquez pas d’aller voir la très plaisante exposition de la Bibliothèque universitaire du Saulcy , du 1er juin au 31 août 2012, sur Bram Stoker, l’auteur du roman Dracula, et sur les vampires dans l’histoire, la littérature et le cinéma.
Par ailleurs, une réédition du Traité de Dom Calmet est consultable à la Médiathèque du Pontiffroy (cote LO IN -12 724) ainsi qu’une étude de Gilles Banderier sur cette œuvre (cote : LO BR IN-4 2054). Tous les autres ouvrages cités dans cet article s’y trouvent également.
Dominique Ribeyre
Derniers articles parDominique Ribeyre (voir tous)
- Louis XV prend ses quartiers à Metz - 18 octobre 2017
- Une image ou des marrons ? - 14 septembre 2016
- Metz, source de culture juive - 4 octobre 2015