A l’occasion du 300e anniversaire de la mort de Sébastien Le Clerc, les Bibliothèques-Médiathèques de Metz proposent jusqu’au 29 novembre 2014, dans la salle Mutelet de la Médiathèque Verlaine parée – grâce au concours de l’Opéra-Théâtre de Metz- de dorures d’apparat dignes de Louis XIV, une exposition de l’oeuvre gravé de cette « Figure de Metz© ». Le Clerc y est présenté à travers le prisme d’un art au service du pouvoir politique, à retrouver dans la galerie Flick’r qui lui est dédiée.
Né à Metz le 26 septembre 1637, Sébastien Le Clerc est le fils d’un maître-orfèvre. Dès les premières années de sa vie, il manifeste des prédispositions exceptionnelles pour le dessin et même la gravure. Sa prodigieuse précocité semble attestée par tous ses contemporains. Selon Paul-Émile Bégin (in Biographie de la Moselle), Sébastien Le Clerc aurait été un temps marmiton dans les cuisines de l’abbaye bénédictine de Saint-Arnould. Mais peut-être y a-t-il eu confusion avec Claude Gellée qui, 25 ans auparavant, fut mitron chez un pâtissier de Toul.
Édouard Meaume, un autre biographe du graveur, émet l’hypothèse que le jeune Sébastien a pu s’initier seul à l’art de l’estampe en compulsant l’ouvrage d’Abraham Bosse, Traité des manières de graver en taille-douce, paru pour la première fois à Paris en 1645. En-dehors de ces lectures artistiques initiatiques, il aurait également reçu des leçons de perspective d’un chanoine de Metz, c’est tout du moins ce qu’avance Pierre Le Lorrain de Vallemont dans son Éloge de Mr Le Clerc.
La notoriété de son incroyable talent se répand rapidement dans la ville de Metz, si bien qu’âgé de 10 ans à peine, on le sollicite déjà pour dispenser des cours de dessin aux dames et demoiselles de la bonne société messine. Mariette relate même à ce sujet qu’en hiver, quand l’enfant avait des engelures à ne plus pouvoir marcher, ses élèves les plus nanties le faisaient chercher par un valet qui l’amenait dans ses bras.
Il est assez difficile de définir à quel âge Sébastien Le Clerc réalise ses premières planches. Il existe bien une eau-forte, qui lui est attribuée, datée de 1650 et intitulée Profil de Metz ; Sébastien avait alors 13 ans… Mais la date semble très discutable tant la planche fait preuve d’une réelle maîtrise du trait et de la technique de l’eau-forte. Il paraît très improbable qu’il puisse s’agir de la toute première œuvre d’un débutant.
Quoiqu’il en soit, il a 16 ou 17 ans quand il produit ses premières œuvres remarquables par la maîtrise du style et de la technique. Parmi celles-ci, on peut citer les trois séries de « Messes » qui représentent les différentyes étapes de la liturgie et comptent 106 estampes au total, ou encore l’une des plus connues, les « Modes de Metz » qui contient 28 planches.
En 1664, on fait appel à lui pour graver Le Triomphe de son altesse Charles IV duc de Lorraine. Dessinées préalablement par Claude Deruet (1588-1660) en 1641, les gravures devaient célébrer le retour de Charles IV en terre lorraine. Cependant, les choses ne se déroulant pas tout à fait comme prévu, l’ouvrage est exhumé des cartons en 1660, date à laquelle on confie les dessins préparatoires de Deruet, alors décédé, au jeune Sébastien Le Clerc pour leur réalisation gravée. Il réalise 23 planches pour cet ouvrage, dont une sera attribuée à tort, pendant un temps, à Jacques Callot. Pour plus de vraisemblance, Le Clerc s’autorise tout de même une légère modification, en vieillissant les traits du duc.
En 1666, quand il arrive à Paris, Sébastien Le Clerc hésite à se lancer dans des études de sciences, et surtout de géométrie, pour tenter de devenir ingénieur. Mais après une expérience malheureuse en ce domaine, sa rencontre avec Charles Le Brun est décisive : le peintre, véritable délégué royal aux arts, le convainc d’opter pour une carrière artistique. Il le décide facilement à abandonner l’idée de devenir ingénieur militaire et à se consacrer tout entier à la gravure.
En 1672, la mort du chancelier Pierre Séguier, protecteur de l’Académie royale de peinture et de sculpture, marque un épisode capital dans la carrière de Le Clerc. En effet, Le Brun, chargé de la décoration de la pompe funèbre, prie Le Clerc d’en graver la mémoire. La qualité de l’estampe alors réalisée fit que Le Brun conseilla à son graveur de se présenter avec cette preuve de son talent à l’Académie royale de peinture et de sculpture, qu’il intègre le 6 août 1672. Il y sera nommé professeur de géométrie et de perspective, fonction qu’il exercera entre 1680 et 1699.
Et c’est ainsi que débute la carrière d’un des plus prolifiques graveurs, entièrement dévoué aux conceptions artistiques alors en vogue…
Anne D.
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