Sophie Lécuyer, à cheval entre les âges

Le Moyen Âge inspire diversement l’imagination des artistes. Au 19e, la reconnaissance vint de l’architecture : les premiers restaurateurs se concentrèrent sur les grands monuments et réaffirmèrent la virile présence du gothique dans la cité : Viollet le Duc notamment, mais aussi Tornow à la cathédrale de Metz, par exemple.

Du côté féminin, l’amour courtois a permis de tempérer une culture par trop masculine, un des plus fameux exemples graphiques est le cycle des tapisseries de la Dame à la licorne du musée de Cluny, à Paris. Sur le plan spirituel, c’est le culte marial qui est mis en avant. Les deux ont une image en commun, le « jardin clos », dont l’image provient du Cantique des cantiques : jardin paradisiaque contrastant avec l’aridité extérieure, symbole de la pureté féminine préservée de la violence du monde. Au Moyen Âge, la licorne dans le jardin clos redouble le symbole.

Sophie Lécuyer

Née en 1987 à Épinal, Sophie Lécuyer vit et travaille à Nancy comme plasticienne et illustratrice. Diplômée de l’Ecole nationale supérieure d’art de Nancy en 2010 (section communication), elle manie régulièrement l’iconographie traditionnelle, en mêlant à sa pâte la cruauté latente dont se nourrissent les contes, elle déclare : « Les mains noires, je creuse dans l’encre à la recherche d’histoires étranges où les loups ne dévorent pas vraiment, les jeunes filles ne sont pas tout à fait sages, et les lièvres n’ont pas que des grandes oreilles… » Deux de ses ouvrages, malheureusement épuisés, montrent la rémanence des thèmes et de sujets graphiques, telle la licorne, dans son travail.

A l’invitation de Modulab, elle occupe la nef des Trinitaires par un jardin clos polygonal (variation sur une première réalisation en 2013 à Nancy, en forme de serre), paravent circulaire dessiné à l’encre de chine sur rhodoïd, tandis que le chœur contient l’évocation d’un jardin monastique de simples, montage de gravures dans quatre structures carrées. Les œuvres ont été réalisées dans l’espace artistique TCRM Blida. Tandis que la végétation environne les figures féminines du jardin clos, elle envahit la nature féminine représentée, parfois de façon presque anatomique, au coeur du jardin médicinal, traduisant par une expression très contemporaine la mystique chevaleresque. Jugez-en vous-même, la comparaison avec des marginalia comme celles issues des Riches heures de Metz est éloquente ; mais l’expérience de votre propre inclusion dans la « tapisserie » du jardin clos sera inédite.

  Le livre d'Heures à l'usage de Metz.     Le livre d'Heures à l'usage de Metz.

A sa manière, Sophie Lécuyer nous fait chevaucher à travers les âges sur un air de chanson médiévale. « Quand le tendre rossignol chante sur la fleur d’été », dans son jardin intime, l’automne n’est pas bien loin…

PS. Vous pouvez rencontrer l’artiste le 26 octobre 2014, jour du finissage.

Carte d'annonce Lécuyer trinitaires 2014-800px

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André-Pierre Syren

Directeur - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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1 comment

  1. Il m’est arrivé de rencontrer la dite dame et outre l’identité artistique entière et le propos digne d’intérêt elle est un personnage tout a fait intrigementetrange .

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