Mathieu Schmitt, le luthier fait feu de tout bois

Découvert au  P’tit Déj musical des Bibliothèques-Médiathèques de Metz du 10 novembre 2012, Mathieu Schmitt, tout juste 30 ans,  mène depuis deux ans une carrière de luthier en devenir. Rencontre avec un jeune homme discret, au charme singulier.
Gif-MathieuEn ce début d’après-midi de novembre, son minuscule atelier est une île paisible dans un 30m2 dédié à sa vie quotidienne. Une étagère complète de boîte à cigares orne l’entrée, ces mêmes objets qui serviront de caisse de résonance à la fabrication de ses futures cigar box guitar. « Maintenant, j’ai arrêté d’aller voir les buralistes pour qu’ils me donnent des boîtes à cigare ! », prévient-il. Plus loin, perchées sur des poutres, des altères poussiéreuses qui furent un temps les promesses d’un physique de sportif. Mais c’est à un véritable artiste que nous avons affaire et qui, de sa voix lancinante, nous lance : « Vous voulez un café? », tout en remplissant les cuillères de café sans véritablement les compter!

Les origines d’une passion
1Quand on essaye de questionner Mathieu sur les possibles origines de sa passion pour la lutherie, on reste un peu sur sa faim, sauf quand il nous tend un texte qu’il a lui-même rédigé pour participer à la 2ème édition du prix Européen pour la passion « La Seconda Luna » (concours qui permet de reconnaître la créativité). Un exercice intéressant où il est amené à sonder son travail. « Le travail du bois est quelque chose qui est ancré en moi depuis toujours. Mon père est très bricoleur. Avec mon oncle, ils coupent leur bois de chauffage en forêt. Je les accompagnai souvent quand j’étais enfant ». Par écrit encore, Mathieu rajoute avoir découvert dans la lutherie « l’expression de toutes ses passions et de tout son savoir-faire ». On découvre un cursus solide en matière artistique chez ce jeune homme qui a étudié quatre années à la Fac d’Arts Plastiques puis quatre années aux Beaux-Arts de Metz !
Pour ce qui est de la fibre artistique dans la famille, celle qui pourrait rattacher Mathieu à une certaine filiation créatrice, il observe : « ma sœur peignait un peu aussi. Mon frère écoutait de la musique. Je n’ai pas vraiment d’artistes dans la famille. Il y a eu des pères spirituels, des musiciens. »

Choc esthétique
2Adolescent, Mathieu a été profondément marqué par le grunge dont l’émergence remonte à la fin des années 90. « J’ai fait des reprises de Nirvana avec mon premier groupe. C’est de là que tout est venu! ». L’idéologie première de ce courant musical  renvoie au leitmotiv du punk : « Do it yourself ! » (Faîtes-le vous-même!). La musique est associée à des valeurs d’authenticité, d’énergie, d’explosion, de vitalité etc. Quelque chose de non-commercial à la base. « Ça  m’a donné envie d’aller plus loin dans l’aspect création, plastiquement…il y a un esthétisme  dans Nirvana ». Car Mathieu fait partie de ces artistes touche-à-tout qui, à l’instar de Kurt Cobain, n’ont pas envie de se laisser enfermer dans un médium plus qu’un autre. Préférant l’indépendance à la facilité.

Luthier vs musicien
3À y regarder de plus près, on a l’impression que Mathieu s’épanouit plus dans le travail de luthier que dans la composition musicale. « Faire de la musique seul, ce n’est pas évident! Luthier, je peux me débrouiller tout seul! ». Cependant, l’un peut être complémentaire de l’autre, voire mener à l’autre. « Avec Reason et Record (nb: des logiciels de MAO), son complément, je peux enregistrer de vrais instruments par–dessus. C’est avec Reason que j’ai découvert le Bouzouki. Mais je me suis dit que ça avait une limite parce que les instruments ne sonnent pas au mieux de leur capacité ! ». Tout naturellement, Mathieu opère un basculement vers la lutherie pour créer les instruments (dont ce fameux bouzouki) qui font défaut aux limites de la MAO (Musique Assistée sur Ordinateur) et obtenir ainsi une richesse du son plus ample. « Le mandocélyre est le premier instrument que j’ai fabriqué. Un instrument peu commun car ce n’est pas une guitare! ».

Influences
4Mathieu nourrit son travail de beaucoup d’influences culturelles. Il n’hésite pas à nous confier « être allé découvrir un musée des instruments de musique dernièrement à Bruxelles (le MIM, musée des instruments de musique). Il y a plein d’idées, des instruments du monde entier comme le cithare chinois ». De même que la culture des films a beaucoup d’importance dans le champ d’inspiration du jeune luthier. « J’aime la série TV Deadwood. Il y a trois saisons, je crois. Tu es immergé pendant toute la série dans l’univers western ». Mathieu nous précisant même que cette série a eu son importance pour la conception de sa cigar box guitar ! Dans ses envies de diversifier son travail, on retrouve son goût pour les instruments du monde. « J’aimerais m’orienter vers des instruments indiens. Je vais d’ailleurs réaliser un tanpura, c’est comme une cithare avec une grosse calebasse. Je vais le faire en bois au lieu d’une courge, à l’européenne ».

Envie de professionnalisation?
5Pour l’instant, Mathieu vit son art comme une passion, pas encore une profession. « Je ne compte pas mon temps de travail. Quand j’ai déjà les gabarits, je travaille plus vite, je passe moins de temps à réfléchir. J’ai des notes que je relis ». Dans son appartement dans lequel il a aménagé un espace de travail, Mathieu se sent à l’étroit. « Ici, chez moi, c’est petit, je ne peux rien faire. Chez mon père, je suis dans le garage ». Cela ne l’empêche pas d’avoir des envies créatives de plus en plus précises qui « allient la création pure d’instruments à des travaux plus classiques, style guitares ». Il lui faudra coller à  la demande du public en fait. Des perspectives un peu anxiogènes pour Mathieu, habitué à avoir son rythme de vie. « Il faut produire un rendement. Tout ça me fait un peu peur…mais, il me faut du repos, j’en ai besoin. C’est comme ça que ça marche aussi ! ». Le statut d’artisan s’adapterait au mieux à ses envies  ainsi qu’à son tempérament très calme.

6À la question « que voudrais-tu transmettre à travers ton art ? »,  un ange passe ! Ça tombe bien, Mathieu est de cette race d’artiste peu loquace, mais qui, chemin faisant, et talent tout devant, développe un univers qui transmet bel et bien un imaginaire et un ‘art de faire’ tout à fait essentiel. Après quelques secondes de silence Mathieu précise: « le fait d’être autodidacte, c’est un truc qu’on peut transmettre, de dire ‘tu peux le faire’! ».

Voici le top 5 de Mathieu Schmitt:
Eyvind Kang « Innocent eye, crystal see »
Hot Chip « I feel better »
Guano Padano « A Moby Dick »
Ravi Shankar « Chants of India »
Tomahawk « Sun dance »

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Véronique D.

Bibliothécaire - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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2 comments

  1. Un récit de rencontre que j’attendais avec impatience!
    Merci Miss Média

  2. Bravo, bel article, et meilleur gif animé de l’année !

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