Querelles byzantines et esprit lorrain

Ange Morel-Sauphar_web

« Ange » par Charlette
MAUREL-SAUPHAR
estampe sur goudron
Commande des BM Metz

L’expression est passée à la postérité avec l’épineux problème du sexe des anges dont débattait encore le clergé de Byzance en mai 1453, alors même que les armées du sultan ottoman Mehmet II escaladaient les remparts de la ville. Elle s’applique cependant dès le milieu du onzième siècle, au moment où l’Église de Rome et l’Église de Constantinople divorcèrent.

Dans ces deux sociétés, de plus en plus étrangères l’une à l’autre, le conflit se cristallisa sur des questions de haute théologie. Il s’agissait notamment de savoir si le Saint Esprit, que les Conciles de Nicée (325) et Constantinople (381) avaient déclaré relever du seul Père, ne procédait pas – comme l’affirmait  l’Église d’Occident  depuis le neuvième siècle – du Père et du Fils.  Sur cet épineux problème se greffait une longue série de désaccords qui, depuis la crise des Images ayant déchiré Constantinople au huitième siècle, s’était nourrie des querelles  doctrinales portant sur des aspects aussi fondamentaux que les ingrédients entrant dans la confection des hosties, le célibat des prêtres ou le port de la barbe. L’enjeu caché derrière tous ces errements était pourtant de taille puisqu’il s’agissait de la primauté de l’évêque de Rome  sur l’Église Universelle.

PONTIFICAL - CHALONS

Pontifical à l’usage de Châlons-en-Champagne.
reliure de la fin du 13e siècle.
reliure de bois recouvert de soie et d’enluminures représentant les différentes cérémonies célébrées par l’évêque (dont le pontifical présente le rituel)
Médiathèque Georges-Pompidou

C’est à l’époque du pontificat de Léon IX (1049-1054) que la dead line fut franchie. Ce pape était l’ancien évêque de Toul, issu de l’illustre maison des comtes de Dabo et dont aujourd’hui encore traditionalistes alsaciens et lorrains se contestent vigoureusement la propriété exclusive. Devant l’hostilité du patriarche de Constantinople et la reprise des accusations portées contre Rome, le pape lui envoya son légat en la personne du cardinal Humbert de Moyenmoutier, ancien moine de la célèbre abbaye vosgienne, brillant lettré, zélateur passionné de la réforme pré grégorienne ; « esprit vigoureux et logique, mais raide et linéaire » selon Yves Congar.

Les prêtres chauvelot_web

« Les prêtres »
dessin de Jean CHAUVELOT
pour les BM Metz

Le 16 juillet 1054, Humbert déposa sur le maitre autel de Sainte-Sophie, au beau milieu d’une célébration, la bulle d’excommunication signée de Léon IX, alors même que le pape était mort depuis trois mois. La réplique ne se fit pas attendre ; un synode byzantin procéda symétriquement à excommunication  générale de tous les Latins. Les divergences se transformèrent en haine à la suite du terrible sac de Constantinople par les Latins lors de la quatrième croisade (1202-1204).

Les excommunications de 1054 ne furent levées de part et d’autre qu’en 1965. Cependant, si les prêtres orthodoxes ne sont pas obligatoirement célibataires – ayant choisi dès avant leur ordination entre mariage et vœux monastiques – les ordres dans l’Église latine, au-delà du diaconat, ne sont accessibles qu’à ceux qui ont fait vœu de célibat.

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Pierre-Édouard W.

Conservateur - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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1 comment

  1. Un très grand merci, Pierre-Édouard, pour ce nouveau billet que je guettais depuis le mois de novembre et qui m’a beaucoup intéressée, comme tu peux t’en douter.
    Si je suis à peu près au fait des âpres controverses autour du Filioque, j’ai appris avec le sourire jusqu’où pouvaient aller les préoccupations et les discordes.
    Le coup d’éclat d’Humbert ne manque pas de panache et on imagine très bien la scène. J’ai lu à plusieurs endroits qu’il avait aussi giflé le patriarche mais ce n’est peut-être qu’une légende.
    Quant à Léon IX, sans vouloir chercher querelle byzantine, il a vécu (et œuvré) plus lontemps en Lorraine qu’en Alsace et le personnage mériterait un billet à lui tout seul, d’autant qu’il n’est pas sans rapport avec Metz.
    J’ai vu sur le site de la BM de Châlons que le pontifical contenait aussi de la notation musicale. Les images des vignettes de la reliure y sont, hélas, de bien mauvaise qualité et ne rendent pas justice à ce manuscrit.
    Je te signale pour finir que l’image des prêtres n’apparaît pas chez moi. Idem pour l’illustration de ton billet dans l’en-tête du blog. Un point d’interrogation les remplace.
    Belle fin de semaine à toi et à bientôt de te voir ou te lire ici ou là.

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