Episode 1/4 : Les poèmes
Paul Verlaine (1844-1896) fut sa vie durant un homme partagé. Si ses aspirations l’entrainaient vers la pureté et la beauté, les aléas de sa vie le ramenaient inéluctablement vers la déchéance. Ses grandes amours, Lucien Viotti, Arthur Rimbaud, Lucien Létinois, furent masculines et inacceptables pour ses contemporains, et le conformisme social lui fit espérer des femmes une rédemption qui ne vint pas. Son mariage avec Mathilde Mauté fut un échec et les compagnes de la fin de sa vie, Eugénie Krantz et Philomène Boudin, toutes deux prostituées, l’exploitèrent. Moyennant quoi, il fut dans les faits ce qu’on nomme depuis 1894 un bisexuel. Mais un bisexuel poète, ce qui nous importe.
Très tôt il fit entrer ses amours dans ses poèmes, souvent de façon indirecte voire métaphorique. Il faut attendre la dernière période de sa vie pour que ses poèmes quittent l’allusion pour l’explicite. Il alterne alors les poèmes érotiques — voire pornographiques — et les poèmes religieux. Les poésies érotiques sont rassemblés à partir de 1889 dans plusieurs petits recueils, Parallèlement, Femmes, Hombres, Odes en son honneur, qui exaltent les amours hétérosexuelles et homosexuelles, masculines comme féminines.
Evidemment, ces éditions et celles qui suivirent la mort du poète sont clandestines ou semi-clandestines. Elles sont publiées sans nom d’éditeur, sans lieu d’édition ou sous un faux pavillon. Mais en quelques années, la partie cachée de l’œuvre verlainienne commence à émerger, et des éditeurs voient le profit qu’ils peuvent tirer de ces poèmes, surtout s’ils peuvent, grâce aux récents progrès techniques de l’édition, les faire illustrer par des artistes reconnus pour les vendre à un public restreint d’amateurs. Dès lors, l’édition des poèmes érotiques de Verlaine deviendra l’occasion pour de grands artistes de représenter corps et étreintes, oscillants entre la mièvrerie et l’obscénité.
Loin du poète récité par les enfants des écoles ou choisi pour donner le signal du Débarquement du 6 juin 1944, un Verlaine souterrain et moins connu, héritier de Baudelaire plus qu’on ne l’imagine, met sa science de la prosodie au service de l’excitation de tous les sens. C’est cet univers poétique et artistique, alternativement radieux et crépusculaire, que l’exposition « Et maintenant, aux fesses ! » vous invite à découvrir jusqu’au 15 juin 2015 à la Médiathèque Verlaine.
Les trois estampes représentées dans cet article sont une commande (2014) des Bibliothèques-Médiathèques de Metz à Sarah Monnier, artiste lorraine, pour l’exposition « Et maintenant, aux fesses ! ». Elles illustrent les différentes amours mises en vers par Paul Verlaine.
Didier D.
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