Metz s’enorgueillit de deux grandes figures contemporaines des sciences botaniques : Jean-Marie Pelt, fondateur de l’écologie urbaine et de l’Institut européen d’écologie, et Jacques Fleurentin président de la société française d’ethnopharmacologie. Il y a 250 ans, deux personnages se piquaient déjà de botaniser : Laurent de Chazelles qui, quand il ne présidait pas le Parlement de Metz, cultivait candidement son jardin et Pierre Joseph Buc’hoz, prolixe auteur de plus de 300 ouvrages d’histoire naturelle, conçue dans toute son étendue.
Buc’hoz est né à Metz en 1731, fils d’un « bourgeois de la ville », il étudie le droit à Pont–Mousson où il s’établit comme avocat en 1750 (à 19 ans). Au siècle des Lumières, de nombreux savants, en particuliers naturalistes, possédaient des charges publiques qui assuraient leur subsistance et leur permettaient de s’adonner à leurs recherches. Ce n’est pas le cas de Buc’hoz qui abandonne dans un premier temps le droit pour la médecine (1759) et devient « médecin ordinaire » de Stanislas à Nancy. Nouvelle évolution peu de temps après : il se consacre à l’histoire naturelle, étudiant en particulier les oiseaux et les minéraux, mais s’adonnant surtout à la botanique. Il a notamment publié une Histoire des plantes de la Lorraine, en 1762, une Histoire naturelle de la France en 14 volumes, en 1770, une Histoire universelle du règne végétal à partir de 1773… Il est mort à Paris en 1807.
Les ouvrages de Buc’hoz ne sont pas ‘scientifiques’ au sens où on l’entend de nos jours : nous l’avons vu, tous les savants avaient d’abord reçu une formation de lettres et les conceptions évolutionnistes commençaient à peine à germer. Comme en de nombreuses parts de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, les phénomènes naturels sont décrits en tant qu’ils sont utilisés par l’homme, notamment à des fins médicales. Certes, les vertus sont parfois supposées, ainsi la menthe : « elle fortifie le cœur et recrée le cerveau, dissipe les vents, donne de l’appétit, résiste au venin, aide à la respiration, arrête le hoquet, le vomissement et le crachement de sang (…) elle est très propre [utile] à soigner les douleurs d’oreille et les morsures de chiens, des serpents et des bêtes venimeuses… »1 Mais ce n’est pas tant le caractère fleuri, si l’on peut dire qui lui valut la suspicion de ses contemporains -n’oublions pas que Buffon lui-même écrivit un Traité du style pour sa réception à l’Académie française-mais plutôt l’accusation de plagiat. Pour avoir tant écrit, notre homme n’avait pas le temps nécessaire pour étudier et confessait régulièrement décrire les plantes d’après les descriptions d’autrui. Même au 18e siècle, ce comportement lui fut reproché et lui interdit, bien qu’il fût membre de plusieurs sociétés savantes de province, l’accès aux académies royales. Il commença sur cette pente dès sa première étude sur les plantes de Lorraine en reprenant les notes de son beau-père. Buc’hoz est un compilateur ; de nos jours, on dirait vulgarisateur. Mais lui-même se comparait aux plus illustres figures de son art, n’hésitant pas à titrer son bestiaire lorrain d’après le nom d’Aldrovandi, illustre savant italien de la Renaissance.
Il est un point où le caractère « lorrain » de Buc’hoz reste intéressant, c’est le souci de faire graver des planches pour ses innombrables publications, en demandant souvent du mécénat (les planches portent alors le nom de la personnalité qui a permis de payer le graveur) et en payant à l’occasion de da personne, notamment par la mise en vente, deux fois, de sa bibliothèque.
Si Buc’hoz ne laisse pas un grand héritage scientifique (« pour le railler, le botaniste Charles l’Héritier de Brutelle (1746-1800) baptisa du nom de Buchozia foetida une variété de plante particulièrement malodorante, ‘tout à fait appropriée à ce but particulier »2 ), il emplit des volumes entiers de gravures tout à fait propres à d’autres buts ques ses intentions premières. A l’occasion des Journées européennes du Patrimoine 2014 consacrées au patrimoine naturel, la Ville de Metz a passé commande au plasticien Tommy Laszlo, d’une œuvre exposé au Cloître des Récollets, qui fait pousser les fleurs découpées (d’après reproduction !) des œuvres de « l’infortuné botaniste »3.
Les trois planches reproduites dans cet article ont bénéficié de divers mécénats :
« Le grand liseron », aux frais du Marquis de la Galaizière, chancelier de Stanislas Leczynski, il était chargé d’introduire l’administration du royaume de France dans le duché de Lorraine.
« Rose blanche et rose pasle », aux frais du Dr LOUIS, chirurgien messin. A son sujet, voir : http://missmediablog.fr/antoine-louis-en-tete-a-tete/
« Pensée » aux frais de SAS la princesse Löwestein. Le comté de Löwestein est situé en Franconie, au centre de l’actuelle Allemagne, alors Saint-Empire.
1 Traité des plantes de la Lorraine, p. 118
2 Anne DELL’ESSA, « Un naturaliste messin à (re)découvrir : Pierre-Joseph Buc’hoz », Carnets de Medamothi, Bibliothèques-Médiathèques de Metz, 2009-10, pp. 92-93
3 Pierre-Edouard WAGNER, « Joseph-Pierre Buc’hoz ou l’infortuné botaniste », De Feuilles en fleurs, Bibliothèques-Médiathèques de Metz, 1997, pp.7-22
André-Pierre Syren
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