Sous le signe du bourreau

Marguerite Rutan, née à Metz le 23 avril 1736, a été béatifiée le 19 juin dernier à Dax où, directrice de l’hôpital des sœurs de la Charité, elle fut guillotinée sous la Terreur. Elle a été célébrée le 23 octobre dernier, dans la cathédrale de sa ville natale (où Mgr Claude de St Simon l’avait confirmée, le 9 août 1743) et une plaque commémorative a été dévoilée le même jour, par Mgr Pierre Raffin évêque de Metz, en l’église Saint-Maximin. Celle-ci est héritière de l’église disparue à la Révolution, de Saint-Etienne le dépenné, où Marguerite Rutan fut baptisée, et qui nous intéresse aujourd’hui.

 Il subsiste encore entre la rue St Etienne (anciennement rue Lèchebarbe ou rue derrière St Etienne) et la rue Gaudré quelques traces de l’église élevée aux XIVe et XVe siècles, démolie en partie entre 1867 et 1872. Si on en croit la tradition, son nom de Saint-Etienne le dépenné (Sanctus Stephanus laniatus)  lui viendrait d’une sculpture placée au tympan du portail représentant saint Etienne dépouillé de ses vêtements, ce qui peut tout aussi bien s’appliquer à Etienne diacre et martyr. Cependant, depuis le XVIIe siècle, on la croit dédiée à Etienne, pape et martyr, ce qu’est loin de confirmer la suite des litanies qui y étaient chantées au XIe s. lors des processions des Rogations notamment et qui invoquent Bénigne, Polycarpe, Magne, Donat, Adrien et Etienne.

 La population de la paroisse, depuis le milieu du XVe, est assez bien connue. Au regard de St Maximin et de St Eucaire, les autres paroisses du quartier Outre-Seille, St Etienne apparait comme une toute petite circonscription ecclésiastique et administrative, avec moins de 90 maisons groupées de part et d’autre de la rue Vigne St Avold, entre la Seille et la rue Mazelle. L’église, qui ne peut en aucun cas être celle citée dans la liste stationnale du milieu du VIIIe s, trouve son origine dans le lotissement à la fin du XIe siècle du vignoble de l’abbaye de St Avold. Dans la seconde moitié du XIIIe s, l’abbé acense des terrains à plus de 40 tanneurs et, le 28 mars 1224, le pape Honorius III confirme l’abandon du patronage de l’église par l’abbé de St Avold au chapitre de la cathédrale qui le conserve jusqu’à la Révolution.

Le plan d’alignement de la ville de Metz, dit Plan Belle-Isle, donne un état très détaillé de la paroisse vers 1738. On remarque, rue Lèchebarbe, à proximité de son débouché sur la rue Vigne St Avold, une maison appartenant à M. Rutan. Il s’agit ici de la maison familiale de Marguerite, infirmant les écrits de J.-J. Barbé, archiviste de la Ville de Metz avant 1939. Cependant certains indices, et notamment le « Registre du logement des gens de guerre » (BM Metz, ms 943) de 1727, laissent à penser que cette maison pouvait ouvrir également sur la rue Vigne St Avold (maison attribuée ici au Sr Bernard), contournant la maison du Sr Barré, placée à l’angle des deux rues et qui, depuis la fin du XVIe s., était l’habitation de l’exécuteur des Hautes Œuvres de la ville. La vie de Marguerite Rutan fut ainsi singulièrement bornée par deux bourreaux…

The following two tabs change content below.

Pierre-Édouard W.

Conservateur - Bibliothèques-Médiathèques de Metz

Derniers articles parPierre-Édouard W. (voir tous)

posted: Actus, Figures de Metz ©

Laisser votre commentaire :

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*