Le 2 octobre dernier, le Salon de la Gastronomie Lorraine plus connu sous son appellation « Des Toques et des Étoiles » fut pour la quatrième fois l’occasion de découvrir les fleurons de la production régionale. Il semble, au vu des recettes proposées, que le foie gras soit aujourd’hui quelque peu détrôné par les noix de Saint-Jacques et autres produits de l’Océan. Il ne s’agit vraisemblablement là que d’une éclipse passagère de saison. Mais sait-on bien que la préparation du foie gras d’oie est, sinon une exclusivité, du moins une spécialité des communautés juives d’Europe centrale remplaçant par des oies grasses le porc interdit par la loi ? Pour autant c’est, avant les régions du Sud-ouest français où il règne sans partage, dans les régions de l’Est voisines du Rhin qu’il est cité pour la première fois.
Selon un auteur alsacien de 1862, des petits pâtés de foie gras enrobé d’une fine croute de feuilleté et accompagné de truffes furent servis pour la première fois à la table du maréchal de Contades (gouverneur d’Alsace 1762-1788), par le cuisinier qu’il avait pris la précaution d’emmener dans ses bagages, un normand du nom de Close ou Clause, lequel devait en faire profiter un plus large public dès qu’il s’installa, vers 1784, rue de la Mésange à Strasbourg, après avoir épousé la veuve d’un pâtissier français. Outre que le savant écrivain oublie de mentionner que le normand en question était en fait un Lorrain né à Dieuze, il ne s’agit là que d’une préparation (petits pâtés de Strasbourg où à la Contades).
Dès 1581, Marx Rumpolt, l’officier de bouche de l’archevêque électeur de Mayence explique dans son New Kochbuch comment il fit cuire le foie de six livres que lui avait fourni un Juif de Bohême. Réaumur, dans son Mémoire sur la digestion des oiseaux (1752), mentionne une particularité des juifs de Metz qui gavaient leurs oies avec des noix, obtenant ainsi des foies gras renommés pour leur grosseur énorme et pour leur excellence. Legrand d’Aussy, historien éclairé de la vie privée des Français (1783), présente les Juifs de Metz et de Strasbourg comme les uniques détenteurs du secret du foie gras Le cuisinier et le médecin ou l’art de conserver ou de rétablir sa santé par une alimentation convenable (Léandre-Moïse Lombard, Paris, 1855) ajoute que les foies d’oies les plus estimés, proviennent de Strasbourg, de Colmar et de Metz. D’autres trouvailles restent à faire dans la patiente exploration de la riche bibliothèque gastronomique d’Yvonne Mutelet léguée aux Bibliothèques-Médiathèques de Metz en 1983.
Pierre-Édouard W.
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