Paul Verlaine présente désormais à la postérité scolaire l’image bien léchée d’un poète musical habité par une profonde mélancolie ou embrasé de pieux sentiments, et pourtant…
Né à Metz le 30 mars 1844, mort à Paris le 8 janvier 1896 à 52 ans seulement, celui qui fut désigné « prince des poètes » à 50 ans fut davantage le roi de la ribote que le souverain des lettres, en témoigne d’ailleurs son échec à l’Académie française. La face cachée de Verlaine, c’est sa vie civile, célèbre par des amours tumultueuses, scandaleuses ou misérables, marquée une violence parfois irrépressible (il tire sur Rimbaud, tente plusieurs fois d’étrangler sa mère…), détruite par l’alcool, le diabète, la syphilis… La synthèse « convenable » de cette existence se résout dans la figure du « Poète maudit », d’après le titre de son essai de 1884. Il se figure d’ailleurs lui-même dans le cercle sous l’anagramme de « Pauvre Lélian » dans la seconde édition de 1888.
Pauvre, Verlaine le fut assurément, particulièrement à la fin de son existence. Subsistant grâce aux expédients tirés des rentes de sa notoriété, il sacrifie son talent à des œuvres de commande. Dans Dédicaces à Paul Verlaine (Serpenoise, 1996), les BMM ont montré comment le poète avait (re-)construit des souvenirs de son enfance messine à grandes lampées de guide Baedeker et à la demande d’étudiants lorrains réfugiés à Nancy après l’Annexion de l’Alsace et de la Moselle en 1871.
Un autre volet de ces commandes est constitué par les recueils à caractère érotique, contenant des textes parfois pornographiques. Sans ciller, Verlaine célèbre les amours homosexuelles féminines (Les Amies) ou masculines (Hombres) comme les relations hétérosexuelles. Dans ce genre prisé des amateurs, les BMM viennent d’acquérir une édition de Femmes dont la page de titre ne donne ni l’éditeur, ni le lieu ni la date d’édition. Des recherches dans la bibliographie spécialisée permettent de penser que ce recueil parut en 1893 chez Robert Hirsch que Verlaine avait rencontré à Londres, où l’éditeur clandestin s’était établi à l’enseigne d’une « librairie parisienne ».
Cet exemplaire est enrichi de 6 eaux-fortes originales, très libres (comme on dit dans les catalogues) dont quatre mettent Verlaine en scène, et en action… Le fonds messin des éditions de Verlaine est déjà riche de plusieurs dizaines de livres de la veine salace, dont la particularité est la relative fréquence de la représentation de l’auteur. C’est une facette sur laquelle nous reviendrons, notamment pour l’anniversaire de sa naissance à célébrer l’an prochain…
André-Pierre Syren
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