L’Arménie pour mémoire

1914 sonne le début d’une série d’années tragiques qui marqueront l’humanité dans sa chair et s’inscriront irrémédiablement dans son imaginaire. Si 1915 voit l’installation du conflit dans une guerre longue et mondiale, elle voit surtout l’horreur s’étendre à la destruction des populations civiles par le génocide des Arméniens. Des montagnes du Caucase à la Méditerranée, un vieux peuple oriental, porteur d’une histoire, d’une langue et d’une culture plurimillénaires, fut méthodiquement déporté et massacré. L’Empire ottoman, à bout de souffle, organisait l’extermination d’une partie de sa population.

Cent ans ont passé. La mémoire du génocide n’a pas étouffé la vitalité des Arméniens, dont l’importante diaspora, établie sur tous les continents, maintient des liens étroits avec sa culture d’origine. Ce centenaire pose toutefois la question de la transmission de la mémoire dans le contexte multiconnecté de sociétés humaines où la technologie, la communication et l’information événementielle sont prépondérantes. Les événements commémoratifs se chassent les uns les autres. Alors, quelle place donner à la commémoration du génocide des Arméniens ? Est-elle un événement parmi d’autres ? Un event qui se glisse dans l’actualité ?

Stèles de Djoulfa (ville arménienne qui abritait un cimetière ancien, détruit par les Azéris)Une des réponses est le lent processus qui conduit un pays après l’autre à la reconnaissance du génocide.  Tout récemment, c’est le Pape François qui l’a reconnu au nom du Vatican. Ce cheminement dans la durée a maintenant atteint un siècle. C’est un signe sûr qu’au-delà de tout événement, la mémoire de ce Grand Crime (ainsi désigne-t-on le mot en arménien) ne s’effacera pas de la conscience humaine. Cette mémoire, la France en porte une partie. En effet, c’est la France qui fut en Europe la première terre d’accueil des rescapés du génocide, dont la plupart arrivèrent à Marseille dans les années 1920. La cité phocéenne abrite toujours une importante communauté arménienne. Remontant le Rhône, de nombreux Arméniens s’installèrent ensuite à Valence, à Lyon et dans sa banlieue, puis dans la région parisienne. La ville de Valence accueille depuis 2005 le Centre du Patrimoine Arménien.

Le Mont Ararat, vue prise d’Aralych (village d’Arménie où vivait une population assyrienne)Dans le Nord-Est de la France, l’implantation des Arméniens resta relativement modeste. On assiste cependant, depuis le début des années 2000, à la venue d’Arméniens de République d’Arménie, état indépendant depuis la chute de l’Union soviétique. Ainsi, de petites communautés ont commencé à se constituer en Moselle. Ces émigrés fuient les pressions politiques, l’absence de perspectives économiques, et plus généralement la situation chaotique de leur pays. Des raisons certes différentes du génocide, mais derrière lesquelles se manifestent des situations personnelles souvent très tendues, et l’espoir d’un avenir meilleur.

inauguration de la stèle commémorant le génocide des Arméniens, Place Valladier, 24 avril 2015Le 24 avril 2015, jour marquant le 100e anniversaire du génocide, une stèle commémorative a été inaugurée place Valladier (quartier du Pontiffroy, devant les ruines de l’église Saint-Livier)  par Christine Aguasca, représentant le maire de Metz. Ce katchtkar (« pierre-croix ») est désormais le rappel d’une présence, celle de la diaspora arménienne, et un appel à la mémoire.

 

A travers l’Arménie russe, ouvrage du fonds ancien des BMM, 3 SH 192 Les gravures qui illustrent cet article sont toutes tirées de l’ouvrage
A travers l’Arménie russe, qui appartient aux fonds patrimoniaux  des BMM.

On peut signaler par ailleurs, sous l’égide de l’association Amitié Alsace Arménie, la récente publication du Chant du pain du poète arménien Daniel Tcheboukkyarian dit VAROUJAN, lui-même victime du génocide. Cette édition présente la particularité d’être trilingue : arménien, français, alsacien. Les traductions sont dues au Sarregueminois Lucien Schmitthaüsler.

 


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Nicolas J.

Bibliothèques-Médiathèques de Metz

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1 comment

  1. Je vous remercie pour l’article et pour votre travail précieux qui a beaucoup de choses à raconter .

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